Majoran
Une illustration de particules projetées vers l'extérieur dans l'univers primitif. Crédits : NASA/JPL-Caltech

Le Majoran pourrait expliquer les plus grands mystères de l’Univers

L’Univers est rempli de mystères insondables. Deux des plus grandes énigmes cosmologiques restent l’asymétrie entre la matière et l’antimatière, et la nature de la matière noire, cette substance invisible qui représente environ 85 % de la masse de l’Univers. Une théorie récente avance que ces deux problèmes pourraient être liés à une particule hypothétique : le neutrino de Majoran. Cette idée, qui reste à confirmer, pourrait bien révolutionner notre compréhension du cosmos.

Un équilibre brisé : pourquoi l’Univers contient-il de la matière ?

Le mystère de la prépondérance de la matière dans l’Univers reste l’une des questions les plus fascinantes de la cosmologie moderne. Selon le modèle standard de la physique des particules, le Big Bang aurait en effet produit des quantités égales de matière et d’antimatière. Ces deux entités auraient dû en théorie s’annihiler mutuellement dès les premiers instants du cosmos, laissant derrière elles un vide cosmique rempli uniquement d’énergie. Pourtant, ce n’est pas ce que nous observons.

L’Univers est en effet majoritairement composé de matière : des étoiles, des galaxies, des planètes et même les êtres vivants sont constitués de particules matérielles. L’antimatière semble quant à elle pratiquement absente, excepté dans certaines expériences en laboratoire ou lors d’événements astrophysiques rares. Ce déséquilibre fondamental entre matière et antimatière pose un problème de taille : qu’est-ce qui a brisé cet équilibre initial pour permettre à la matière de dominer le cosmos ?

Les scientifiques appellent ce phénomène la baryogenèse. Le terme fait référence à un processus hypothétique qui aurait conduit à un excès de baryons (les particules constituant la matière, comme les protons et les neutrons) par rapport aux antibaryons (leurs homologues d’antimatière). Cependant, le modèle standard ne peut pas à lui seul expliquer cette asymétrie. Il manque un mécanisme clé pour décrire comment les lois fondamentales de la physique auraient favorisé la matière dans les premières fractions de seconde après le Big Bang.

Les neutrinos de Majoran : des particules au cœur de l’énigme

Les neutrinos, souvent surnommés particules fantômes en raison de leur capacité à traverser la matière presque sans interagir, pourraient être au cœur de cette énigme cosmique. Habituellement, les neutrinos connus se distinguent par leur masse extrêmement faible et une propriété particulière : leur spin (une sorte de rotation interne) s’oriente toujours dans une seule direction, ce que les scientifiques qualifient de gaucher. Toutefois, cette caractéristique inhabituelle a ouvert la porte à une hypothèse intrigante : l’existence de leurs homologues droitiers, des particules encore non détectées.

Selon une théorie récente, ces neutrinos droitiers auraient pu jouer un rôle déterminant dans les premiers instants du cosmos. D’après ce modèle, les interactions entre les neutrinos gauchers (connus) et ces neutrinos droitiers hypothétiques auraient provoqué un déséquilibre fondamental dans l’Univers primitif. Or, ce déséquilibre aurait brisé la symétrie parfaite qui aurait autrement conduit à une annihilation complète de la matière et de l’antimatière.

Ce n’est pas tout. Ce même modèle prédit également l’existence d’une particule encore plus fascinante : le neutrino de Majoran. Contrairement à la plupart des particules connues, le Majoran est sa propre antiparticule. Cela signifie que dans certaines conditions, deux particules de Majoran pourraient s’annihiler l’une l’autre, un comportement très inhabituel en physique des particules.

Dans les premiers instants chaotiques du Big Bang, la rupture de symétrie entre les neutrinos gauchers et droitiers aurait pu produire en abondance ces neutrinos de Majoran. Résistantes et invisibles, ces particules auraient survécu jusqu’à aujourd’hui comme des reliques de cet âge primordial. En raison de leur stabilité et de leur nature insaisissable, elles pourraient alors constituer une grande partie de la matière noire, cette substance mystérieuse et invisible qui exerce une force gravitationnelle et joue un rôle clé dans la formation et la structure des galaxies.

Si cette théorie s’avère correcte, les neutrinos de Majoran ne seraient donc pas seulement une pièce manquante du puzzle de la matière noire, mais également une explication possible à l’existence même de la matière. Si elle se concrétise, cette découverte transformerait notre compréhension de l’Univers.

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Crédits : mihtiander/iStock

Un univers à explorer : les expériences en cours

Bien que la théorie qui relie les neutrinos de Majoran à la matière noire et à la domination de la matière soit séduisante, elle reste pour l’instant spéculative. La confirmation de cette hypothèse nécessite des observations expérimentales capables de détecter ces particules insaisissables. Pour cela, les physiciens s’appuient sur des détecteurs extrêmement sensibles, comme Super-Kamiokande au Japon et Borexino en Italie.

Ces installations souterraines sont spécialement conçues pour étudier les neutrinos, des particules si légères et si faiblement interactives qu’elles traversent la matière presque sans laisser de trace. Super-Kamiokande utilise par exemple un réservoir géant rempli d’eau ultrapure pour détecter les minuscules éclairs de lumière produits lorsque des neutrinos interagissent avec les atomes. Ces expériences visent à identifier des signatures qui pourraient trahir la présence de neutrinos droitiers ou de neutrinos de Majoran, notamment des interactions spécifiques qui ne peuvent être expliquées par le modèle standard de la physique.

Une autre piste explorée concerne la recherche d’événements violant la conservation du nombre baryonique, une loi fondamentale selon laquelle le nombre de particules de matière ne peut changer. Si cette loi était violée, ce serait un indice majeur en faveur de l’existence du Majoran. Par exemple, la désintégration sans neutrino du double bêta (un processus hypothétique où deux neutrons d’un noyau atomique se transforment simultanément en protons sans émettre de neutrinos) pourrait fournir une preuve indirecte.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.