L’utilisation régulière de « gros mots » est-elle un signe d’intelligence ?

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D’après une étude, les personnes habituées à jurer et à assaisonner leurs propos de gros mots ne le font pas forcément à cause d’un vocabulaire pauvre ou d’une incapacité à s’exprimer. Bien au contraire.

L’utilisation d’un langage obscène et tabou ou tout simplement le fait de dire des « gros mots » est souvent considéré comme le signe évident d’un manque de vocabulaire, qu’un individu ne peut pas s’exprimer de manière moins offensive ou tout simplement le signe d’un manque d’intelligence. Pourtant, des études antérieures ont montré que le fait de jurer pourrait être au contraire le signe d’une utilisation intelligente de la langue.

Nous choisissons aujourd’hui de jurer dans différents contextes et à différentes fins : pour un effet linguistique, pour transmettre une émotion, pour rire, pour se défendre ou peut-être même pour être délibérément méchant et faire souffrir l’autre. Ainsi, des psychologues ont étudié quand et pourquoi les gens juraient, le but étant de voir au-delà du stéréotype selon lequel le juron serait le moyen d’expression d’un simple illettré.

Au cours d’une expérience menée par des psychologues du Marist College à New York, une équipe de chercheurs a proposé à un groupe de personnes de penser en une minute à autant de mots commençant par une certaine lettre de l’alphabet. Les chercheurs appellent cela le test de « fluidité verbale ». Les personnes ayant plus de compétences linguistiques peuvent généralement penser à d’autres exemples dans le temps imparti. Sur la base de cette approche, des chercheurs américains ont alors demandé à ces personnes de réaliser le même test à la seule différence que la liste de mots pensés ne devait contenir cette fois-ci que des « gros mots ». Il en est ressorti que les personnes maîtrisant le mieux la langue anglaise étaient également celles qui connaissaient le plus de mots grossiers. Inversement, les personnes maîtrisant le moins la langue anglaise maîtrisaient également beaucoup moins de mots grossiers.

Ainsi l’hypothèse concernant la pauvreté du vocabulaire de ceux qui jurent n’a pas été confirmée : « On considère d’habitude que les gens qui abusent du lexique grossier sont paresseux, mal élevés, disposent d’un pauvre vocabulaire et ne savent pas se maîtriser », estiment les chercheurs. « Pourtant, notre expérience a montré que de vastes connaissances d’expressions taboues attestent plutôt d’un langage développé et pas de ses imperfections ».

Au lieu de cela, il semblerait que le fait d’user des jurons soit un moyen de communiquer avec un maximum d’efficacité. Et effectivement, certaines utilisations de jurons vont au-delà de la communication. La recherche aura en effet mené les psychologues à demander aux participants de tenir leur main dans un bol d’eau glacée le plus longtemps possible, tout en répétant des mots grossiers. Ils ont ensuite réalisé le même test, mais en répétant des mots « neutres ». Les rythmes cardiaques ont été surveillés et il en résulte que les personnes qui juraient avaient résisté beaucoup plus longtemps que les autres. Ces résultats laissent à penser que le juron serait ici une réponse émotionnelle, un mécanisme de défense naturel de défense qui non seulement libère de l’adrénaline et accélère le pouls, mais soulage également la douleur. Une sorte d’analgésie induite par le stress occasionné.

« Cette recherche fut inspirée par la naissance de ma fille, quand ma femme a juré abondamment pendant les contractions angoissantes. Les sages-femmes ont été étonnamment imperturbables et nous ont dit que le fait de jurer est un phénomène normal et commun pendant l’accouchement — peut-être pour des raisons similaires à notre étude », note l’un des psychologues, Richard Stephens.

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