Une étude lève le voile sur les « loups sinistres » de la période glaciaire

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Un loup sinistre (Dire wolf) représenté ici dans la série game of Thrones. Crédits : capture d’écran GOT

Les loups sinistres et les loups gris étaient si génétiquement distincts que ces deux espèces n’ont pu se reproduire ensemble, forçant les premiers dans une impasse évolutive il y a environ 13 000 ans.

Les loups terribles, ou loups sinistres (Canis dirus) sont les plus grands canidés ayant évolué sur Terre. Si les représentations de ces prédateurs dans les films fantastiques et à la télévision sont des versions légèrement exagérées de la réalité, Canis dirus était tout de même au moins 40 % plus gros que le loup gris moderne. Avec leurs morsures très puissantes, ces carnivores pouvaient donc s’attaquer à nombreux grands herbivores de la dernière période glaciaire.

Nous savons que les loups sinistres ont menacé les paysages du Pléistocène pendant des dizaines de milliers d’années, avant de finalement s’éteindre il y a environ 13 000 ans. Malgré le long succès évolutif de cette espèce, on en sait très peu sur ces animaux, y compris sur leurs origines et les raisons de leur disparition. Une analyse approfondie d’ADN, dans les détails sont publiés dans la revue Nature, contribuent à combler ces lacunes.

Dans le cadre de ces travaux, les chercheurs ont réussi à rassembler et séquencer des échantillons d’ADN prélevés sur cinq spécimens ayant évolué il y a 12 900 ans à 50 000 ans. Ils les ont ensuite comparés aux données génomiques de huit canidés modernes. À savoir le loup gris, le coyote (Canis latrans), le loup africain (Canis lupaster), le dhole (Cuon alpinus), le loup éthiopien (Canis simensis), le chien sauvage d’Afrique (Lycaon pictus), le renard des Andes (Lycalopex culpaeus) et le renard gris (Urocyon cinereoargenteus).

Aucun croisement avec d’autres loups

Au terme de ces analyses, les chercheurs ont constaté que, contrairement aux autres loups qui n’hésitaient pas à migrer entre les régions, le loup terrible ne s’est visiblement jamais éloigné de l’Amérique du Nord. Plus intéressant encore : même s’ils ont partagé leur environnement avec des coyotes et des loups gris pendant au moins 10 000 ans, les loups sinistres ne se sont jamais croisés avec eux pour produire des hybrides.

«Alors que les anciens humains et les Néandertaliens se sont croisés, comme le font les loups gris et les coyotes modernes, nos données génétiques n’ont fourni aucune preuve que des loups terribles se soient croisés avec d’autres espèces canines, souligne en effet la paléobiologiste Kieren Mitchell, de l’Université d’Adélaïde en Australie. Toutes nos données indiquent que le loup terrible est le dernier membre survivant d’une ancienne lignée distincte de tous les chiens vivants ».

« Lorsque nous avons commencé cette étude, nous pensions que les loups terribles n’étaient que des “loups gris musclés”. Nous avons donc été surpris d’apprendre à quel point ils étaient extrêmement différents génétiquement », ajoute le généticien moléculaire Laurent Frantz, de l’Université Ludwig Maximilian en Allemagne.

Toujours d’après ces analyses, les loups terribles et les loups gris auraient même divergé d’un ancêtre commun il y a plus de cinq millions d’années, ce qui est très ancien si l’on considère, par exemple, que les chiens et les loups n’ont divergé qu’il y a 15 000 à 40 000 ans. Au moment où les loups terribles ont rencontré d’autres espèces canines, ces derniers avaient donc probablement évolué séparément depuis trop longtemps pour que l’hybridation soit possible.

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Crédits : Mauricio Antón

Un isolement génétique probablement fatal

D’après les chercheurs, cet isolement génétique pourrait donc avoir joué un rôle majeur dans leur extinction, cette espèce ayant été incapable de s’adapter à un monde en pleine mutation. En s’accouplant avec des espèces similaires, les animaux peuvent en effet augmenter leur diversité génétique et acquérir des traits favorables à la survie.

« La plupart des scientifiques conviennent aujourd’hui que le loup terrible a probablement disparu parce que les grands mammifères herbivores qu’ils chassaient – comme les bisons, les chevaux et les chameaux – se sont soit éteints, soit ont radicalement diminué dans les zones où le loup terrible était distribué il y a environ 13 000 ans », poursuit Kieren Mitchell.

« Notre étude va également dans ce sens, montrant que les loups terribles ont probablement eu des millions d’années pour développer leur propre comportement spécialisé et leur biologie très différents des loups gris et des coyotes, ajoute la chercheuse. Vraisemblablement, les loups terribles n’ont pas été capables de s’adapter avec succès à des proies plus petites – comme les cerfs, les lapins ou même les souris – et n’ont pas pu migrer vers d’autres zones avec de grandes proies plus abondantes ».

Les loups gris et autres coyotes, de leur côté, n’avaient pas besoin de dépendre de grandes proies pour survivre. Autrement dit, ils n’ont donc pas été affectés de la même manière par la fin de la dernière période glaciaire. C’est pourquoi ils sont toujours présents.