Deux espèces de loups ont contribué à l’ADN des chiens modernes

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Crédits : Corentin Esmieu

D’où les chiens viennent-ils ? Les scientifiques s’accordent généralement à dire que le meilleur ami de l’Homme descend des loups gris, mais quand et où la transition s’est-elle opérée ? Pour l’heure, toutes ces questions alimentent encore le débat, mais une étude nous permet d’y voir un peu plus clair.

Malgré notre relation étroite avec les chiens, les spécialistes ne sont toujours pas totalement certains de la manière dont ces animaux ont été domestiqués. Le consensus actuel propose que nos amis à quatre pattes ont été apprivoisés en premier lieu à partir d’une population de loups gris aujourd’hui disparue au cours de la période néolithique. Cependant, il manque encore de nombreux chapitres à cette histoire.

Dans le cadre de nouveaux travaux publiés dans Nature, une équipe de chercheurs a entrepris d’en savoir davantage sur les origines des chiens en brossant un tableau détaillé du passé du loup gris. Pour ce faire, des archéologues de trente-huit institutions mondiales ont fait don d’os et de dents d’anciens spécimens de loups précédemment déterrés en Sibérie, en Europe et en Amérique du Nord. Les scientifiques de neuf laboratoires se sont ensuite attelés à démêler le génome de ces animaux. Il a fallu percer des trous et collecter des échantillons de poudre d’os pour finalement extraire et séquencer leur ADN. Ensuite, les scientifiques ont comparé les génomes de loups assemblés aux génomes de chiens anciens et modernes.

Deux puits génétiques

Dans l’ensemble, les chercheurs ont découvert que les chiens étaient plus étroitement liés aux anciens loups d’Asie qu’à ceux d’Europe. Cependant, l’équipe a remarqué des différences entre les différents spécimens. Les premiers chiens de Sibérie, d’Asie de l’Est, des Amériques et du nord-est de l’Europe semblaient tirer quasiment tout leur matériel génétique d’une ancienne population de loups en Asie.

Les premiers chiens du Moyen-Orient et d’Afrique avaient quant à eux également une ascendance significative d’une seconde population de loups originaire du Moyen-Orient. Ce deuxième héritage persiste encore aujourd’hui chez presque tous les chiens modernes. À l’échelle mondiale, la plupart des races modernes peuvent en effet retracer entre 5 et 30 % de leur ascendance à cette fameuse population de loups.

Autrement dit, cette nouvelle étude suggère que deux populations de loups anciens, l’une évoluant en Asie et l’autre au Moyen-Orient, ont contribué à l’ADN des chiens.

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Dogor, un chiot-loup de 18 000 ans originaire de Yakoutie (Russie), dont l’ADN a été utilisé dans l’étude. Crédits : Love Dalèn

Une origine encore incertaine

La manière dont cela s’est produit reste incertaine. Il est possible que les chiens aient été domestiqués dans deux endroits différents et que les populations se soient ensuite mélangées. Une autre hypothèse avance que les chiens ne sont apparus qu’une seule fois, quelque part en Asie, avant de se reproduire plus tard avec une population de loups plus occidentale, captant de l’ADN de loup supplémentaire. « Nous ne pouvons pas distinguer les scénarios« , concède Anders Bergstrom, expert en génomique évolutive au Francis Crick Institute. « En revanche, nous pouvons dire qu’il y avait au moins deux populations sources de loups ».

Notez qu’aucun des anciens spécimens de loups analysés ici n’était suffisamment proche des chiens modernes pour faire partie de la population réelle ayant donné naissance à nos compagnons canins. Cela suggère que les véritables ancêtres des chiens pourraient provenir d’endroits non couverts par l’étude.

Enfin, les chercheurs ont également découvert que ces anciens loups, qui vivaient dans des endroits éloignés, étaient plus étroitement liés les uns les autres que les populations de loups d’aujourd’hui. Pour les auteurs, cela suggère que les mouvements et croisements entre loups étaient très nombreux il y a plusieurs milliers d’années. Cela pourrait d’ailleurs expliquer pourquoi ces animaux ont survécu à la fin de la dernière période glaciaire. « Les lions des cavernes, les hyènes, les ours et d’autres mammifères ont disparu, mais les loups ont survécu« , notent les chercheurs. « C’est peut-être cette grande connectivité et mobilité des loups qui a permis à la population de prospérer« .