L’univers cache encore bien des secrets. L’un d’eux, longtemps resté sans réponse, concerne l’origine de l’or, du platine, de l’uranium et de tous les éléments plus lourds que le fer. Où et comment ces matériaux précieux ont-ils été créés ? Une nouvelle étude vient peut-être d’apporter la réponse… et elle est aussi spectaculaire qu’inattendue : ces métaux pourraient provenir d’explosions dévastatrices d’étoiles mortes, les magnétars.
La genèse des métaux lourds : une énigme vieille de 50 ans
On sait que les éléments légers comme l’hydrogène et l’hélium sont nés dans les premières secondes de l’univers, lors du Big Bang. D’autres, comme le carbone ou l’oxygène, se forment dans les étoiles, par fusion nucléaire. Mais dès qu’il s’agit d’éléments plus lourds que le fer, les choses se compliquent.
Ces métaux nécessitent un environnement explosif et une surabondance de neutrons pour pouvoir être synthétisés via un mécanisme connu sous le nom de processus r (ou « capture rapide de neutrons »). Jusqu’à récemment, les seules candidates sérieuses étaient les fusions d’étoiles à neutrons — des événements rares mais intenses, confirmés par une célèbre observation en 2017. Cependant, leur fréquence ne colle pas avec l’abondance d’éléments lourds que l’on observe dans certaines jeunes galaxies. Il manquait donc une autre source.
Des géants magnétiques au cœur du mystère
C’est ici qu’entrent en scène les magnétars. Ces étoiles à neutrons ultra-denses — avec une masse équivalente à celle du Soleil concentrée dans une sphère de 20 km — possèdent des champs magnétiques parmi les plus intenses de l’univers, jusqu’à 1000 milliards de fois celui de la Terre. De temps à autre, ces objets relâchent des quantités colossales d’énergie sous forme de sursauts gamma ultra-puissants, lors d’éruptions géantes provoquées par l’instabilité de leur champ magnétique.
Les simulations menées par l’équipe new-yorkaise montrent qu’une seule de ces éruptions pourrait suffire à former une masse équivalente à une petite planète en métaux lourds. On parle de 2 millions de milliards de milliards de kilos — assez pour forger des montagnes d’or et de platine… ou fabriquer des milliards de téléphones.

Un événement oublié qui change tout
Pour tester leur théorie, les chercheurs ont revisité une observation vieille de 20 ans : l’explosion du magnétar SGR 1806–20, détectée en 2004. L’éruption avait illuminé notre système solaire pendant une fraction de seconde, saturant les capteurs de plusieurs satellites. À l’époque, l’événement avait été classé comme exceptionnel, mais sans qu’on en comprenne toutes les implications.
Aujourd’hui, ce sursaut apparaît comme le prototype parfait d’un événement capable de générer du processus r en quantité. Les simulations s’y ajustent comme un gant. « Quand nous avons vu à quel point notre modèle correspondait à l’éruption de 2004, on a su qu’on tenait quelque chose », explique Brian Metzger, chercheur au Center for Computational Astrophysics.
Une piste sérieuse, mais pas la seule
Si cette hypothèse se confirme, ces éruptions pourraient expliquer jusqu’à 10 % des métaux lourds présents dans notre galaxie. Ce n’est pas tout — mais c’est déjà beaucoup. Cela pourrait aussi résoudre une anomalie cosmique : la présence d’éléments lourds dans des galaxies très jeunes, là où les fusions d’étoiles à neutrons n’ont pas encore eu le temps de se produire.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là. « Il reste probablement un troisième, voire un quatrième type d’événement que nous n’avons pas encore identifié », note Metzger. Car l’univers a plus d’un tour dans son sac.
Un avenir plein de promesses… et d’explosions
Prochaine étape : la mise en orbite en 2027 du Compton Spectrometer and Imager, une mission de la NASA conçue pour détecter avec précision ce genre d’explosions. Grâce à lui, les chercheurs espèrent pouvoir observer en direct la naissance des éléments les plus lourds du cosmos.
En attendant, il est fascinant de penser que l’or que vous portez au doigt, ou celui qui compose les circuits de votre smartphone, est peut-être né dans le cœur incandescent d’un magnétar, lors d’une explosion inimaginable il y a des milliards d’années.