Avec de l’ocytocine dans le nez, les lions deviennent plus tolĂ©rants

lion ocytocine mammifères
Crédits : Helgede1/Pixabay

Les lions ont tendance Ă  devenir agressifs lorsqu’ils sont rencontrent leurs congĂ©nères, mais selon une Ă©tude, un jet d’ocytocine dans le nez peut rendre ces prĂ©sentations un peu moins mortelles. Ces travaux ont pour but de faciliter l’intĂ©gration de nouveaux groupes dans le cadre de projets de conservation.

L’ocytocine est un neuropeptide sĂ©crĂ©tĂ© par l’hypothalamus et excrĂ©tĂ©e par l’hypophyse postĂ©rieure (neurohypophyse). Cette hormone agit principalement sur les muscles lisses de l’utĂ©rus et des glandes mammaires. Chez les humains, elle favorise Ă©galement la confiance, l’empathie, la gĂ©nĂ©rositĂ© et la sexualitĂ©. Pour cette raison, l’ocytocine est souvent appelĂ©e l’hormone « de l’amour », du « bonheur » ou encore de « l’attachement ».

Chez les animaux, des recherches prĂ©cĂ©dentes ont montrĂ© que l’ocytocine pouvait aussi jouer un rĂ´le dans le lien social. Dans le cadre de nouveaux travaux, le biologiste animalier Craig Packer et la neuroscientifique Sarah Heilbronner, de l’UniversitĂ© du Minnesota, se sont penchĂ©s sur le cas des lions. Leur Ă©tude vient d’ĂŞtre publiĂ©e dans la revue iScience.

Une espèce en danger

Le nombre de lions est actuellement en chute libre. On ne dĂ©nombre aujourd’hui plus que 20 000 individus, peut-ĂŞtre moins, Ă  l’Ă©tat sauvage. Ces prĂ©dateurs sont en effet souvent tuĂ©s par les humains en reprĂ©sailles aux attaques contre le bĂ©tail. Ils sont Ă©galement ciblĂ©s par les chasseurs de trophĂ©es.

Les efforts de conservation des lions impliquent souvent de relocaliser des individus dans des rĂ©serves clĂ´turĂ©es. Alors que ces structures permettent de maintenir les animaux en sĂ©curitĂ©, elles impliquent Ă©galement une certaine proximitĂ© entre les individus. Or, les lions sont des prĂ©dateurs agressifs et très territoriaux. Ainsi, placer un ou plusieurs spĂ©cimens dans une zone dĂ©jĂ  frĂ©quentĂ©e par un autre groupe de lions peut mener Ă  des conflits, ce qui n’est pas non plus dans l’intĂ©rĂŞt de l’espèce.

Dans le cadre de ces travaux, les scientifiques ont voulu voir si l’ocytocine favoriserait les liens sociaux entre les lions « rivaux ». Pour ce faire, ils ont attirĂ© plusieurs individus avec de la viande dans une rĂ©serve faunique sud-africaine, avant de vaporiser de l’ocytocine directement dans leurs narines.

« Ce faisant, nous savions que l’ocytocine remonterait le nerf trijumeau et le nerf olfactif avant d’arriver directement dans le cerveau« , dĂ©taille Jessica Burkhart dans un communiquĂ©. « Autrement, la barrière hĂ©matoencĂ©phalique aurait pu la filtrer« .

Des lions moins agressifs (sauf quand ils ont faim)

Les rĂ©sultats ont montrĂ© que les vingt-trois lions impliquĂ©s dans l’Ă©tude Ă©taient effectivement plus tolĂ©rants les uns envers les autres. « Vous pouviez voir leurs traits s’adoucir immĂ©diatement. Ils passaient de ridĂ©s et agressifs Ă  ce comportement totalement calme« , poursuit la chercheuse. « Ils se dĂ©tendaient totalement. C’Ă©tait incroyable« .

Pour mesurer l’Ă©tendue de cette tolĂ©rance, les chercheurs ont ensuite introduit un jouet dans la cage. Alors que les lions garderaient normalement une distance d’environ sept mètres avec les autres, ceux traitĂ©s avec de l’ocytocine se rapprochaient souvent Ă  moins de 3,5 mètres les uns des autres.

lions ocytocine
Crédits : Jessica Burkhart

Cette nouvelle tolĂ©rance s’est cependant Ă©vaporĂ©e en prĂ©sence de nourriture. Placez un morceau de viande au milieu et ocytocine ou non, les lions redeviennent intolĂ©rants aux intrus s’approchant trop près de leur pitance. MalgrĂ© tout, cette expĂ©rience s’est rĂ©vĂ©lĂ©e très encourageante.

Le fait de proposer de l’ocytocine aux lions n’est pas vraiment contre nature dans la mesure oĂą ces prĂ©dateurs sont de loin l’espèce fĂ©line la plus sociable, montrant une affection Ă©vidente envers leurs compagnons en grande partie motivĂ©e par les dangers posĂ©s par les groupes voisins. Or, ces comportements sociaux entre membres du mĂŞme groupe sont très susceptibles de libĂ©rer une impulsion d’ocytocine. Ce que dĂ©montre cette nouvelle Ă©tude, c’est que cette rĂ©ponse territoriale aux Ă©trangers diminue considĂ©rablement avec davantage d’ocytocine.