L’ingrédient magique derrière le béton de la Rome antique

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Crédit : joekrump/pixabay

La présence des anciens Romains se fait toujours sentir dans toute l’Europe actuelle. En effet, certains bains publics, aqueducs et autres digues bâtis il y a plus de 2000 ans sont toujours debout grâce à un type de béton beaucoup plus durable que son homologue moderne. Comment l’expliquer ? Une équipe vient peut-être d’identifier l’ingrédient « miracle » de ce mélange. Ces travaux, publiés dans Science Advances, pourraient aider les ingénieurs à améliorer les performances du béton moderne. 

Une durabilité millénaire

Les Romains ont été les premiers à employer le béton à grande échelle pour leurs projets de construction dès 200 avant notre ère. Le mélange intégrait une poudre blanche connue sous le nom de chaux éteinte (un produit dérivé de la chaux), des petites particules, des fragments de roche appelés téphra éjectés par des éruptions volcaniques et de l’eau.

De son côté, le béton moderne est généralement fabriqué à partir de ciment Portland : un mélange de calcaire, d’argile, de sable et de craie, le tout broyé et brûlé à très haute température. Bien qu’il s’agisse du matériau de construction le plus couramment utilisé dans le monde, il n’est cependant pas insensible aux dommages. Exposée aux éléments, la matière se fissure, menaçant au bout du compte l’intégrité de l’ensemble de la structure impliquée.

À l’inverse, les anciennes structures romaines semblent résister à l’épreuve du temps. Cette étonnante durabilité a longtemps interrogé les chercheurs.

En 2017, une équipe avait découvert que l’ingrédient miracle, du moins pour les structures exposées à l’océan, n’était autre que l’eau de mer qui, en filtrant à travers le béton, mène au développement de minéraux entrelacés qui renforcent la cohésion du béton romain. Cependant, toutes les constructions romaines en béton ne sont pas exposées à l’océan. Pour tenter d’en savoir plus, Admir Masic et son équipe du MIT ont prélevé des échantillons d’un ancien mur d’enceinte de Privernum, un site archéologique situé près de Rome.

Un béton autocicatrisant

En laboratoire, les chercheurs se sont concentrés sur de petits dépôts de calcium incrustés dans le béton appelés morceaux de chaux. Par le passé, on avait émis l’hypothèse qu’ils n’étaient que le résultat d’un mauvais mélange du béton par les anciens Romains. Pour ces travaux, l’équipe est partie du principe que leur présence était intentionnelle.

Leur idée était que cette poudre blanche fabriquée à partir de calcaire brûlant aurait pu réagir avec l’eau pendant le mélange, déclenchant une réaction chimique produisant des quantités importantes de chaleur. Ce processus aurait empêché la chaux de se dissoudre complètement, entraînant la formation de grumeaux de chaux. Et, en effet, lorsque les chercheurs ont tenté de fabriquer leur propre béton romain en laboratoire avec de la chaux vive, ils se sont retrouvés avec un matériau « identique » aux échantillons prélevés.

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Gauche : le site de Privernum où les échantillons ont été collectés pour cette étude. Droite : carte en fausses couleurs des ingrédients dans l’un des échantillons, avec une grande inclusion de calcium (rouge). Crédits : MIT

Lorsque les chercheurs ont créé de petites fissures dans le béton, puis ont ajouté de l’eau (simulation d’une exposition à l’eau de pluie), les morceaux de chaux se sont dissous et recristallisés, remplissant efficacement des fissures allant jusqu’à 0,6 millimètre de diamètre. À titre de comparaison, le béton moderne ne cicatrise généralement pas les fissures de plus de 0,2 ou 0,3 millimètre de diamètre.

Ces travaux pourraient inspirer les ingénieurs à améliorer leurs mélanges avec de la chaux vive ou un composé apparenté. Un tel matériau serait non seulement moins cher et plus solide, mais aussi plus durable sur le plan écologique. La production de ciment représente en effet à elle seule plus de 8 % des émissions de gaz à effet de serre.