L’incroyable intelligence en réseau des champignons

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Les champignons s’organisent en réseau grâce à leur « mycélium ». Comment ces organismes développent des facultés de mémorisation, anticipation et d’adaptation ? Existe t’il une intelligence mycélienne ?

« Mycélium : ensemble de filaments plus ou moins ramifiés formant la partie végétative d’un champignon ». Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales.

« Le mycélium est un réseau de filaments dotés d’un grand pouvoir de pénétration. Pour se nourrir, il sécrète des enzymes qui décomposent les matières organiques parfois très résistantes et absorbe les éléments carbonés. Il croît toujours en longueur, parfois jusqu’à 1 km par jour, ce qui lui permet d’explorer de très grands volumes de sol ou de racines (mille mètres de filaments mycéliens pour un mètre de racines). » Nexus magazine N°94 septembre-octobre 2014.

Le champignon est présent dans l’intégralité des écosystèmes terrestres. Il s’adapte à son élément par l’usage de stratégies efficaces. L’organisme le plus grand de la planète a été découvert en l’an 2000 dans une forêt américaine en Oregon. Il s’agit d’un champignon de 5,5 km de diamètre tandis que son mycélium s’étend sur une superficie de 9 km2, dont les filaments plongent sous terre à près d’un mètre de profondeur. Ce champignon géant (Armillaria ostoyae) serait âgé de 2400 ans. Son poids est de 600 tonnes soit l’équivalent d’une quinzaine de méga-camions de 40 tonnes. L’homme connait d’anciens Armillaria Ostoyae, notamment un spécimen fossilisé dans de l’ambre daté à 100 millions d’années.

Au début des années 90, Paul Stamets (Mycologue et écrivain américain) parle du mycélium comme étant une membrane sensible et le qualifie d’ « internet naturel de la terre ». En effet, il s’agit d’un moyen de communication naturel faisant office de tour de contrôle puisqu’il interagit avec son environnement par des échanges d’informations, de la communication (moléculaire) et envoi des réponses diverses (enzymatiques et chimiques). Pour aller plus loin, il serait possible de dire que c’est le système immunitaire de notre planète. Par exemple, le mycélium connecte l’arbre et ses racines, puis les arbres entre eux. Dès qu’un arbre est endommagé, les informations circulent et les nutriments empruntent un parcours de substitution.

Le mycélium peut être considéré comme une matrice ou une immense autoroute biomoléculaire. Toujours dans le besoin de se nourrir, il serait doué de sensations. Prenons deux randonneurs dans une forêt : le mycélium sait où il se trouve et guette le moindre débris récupérable véhiculé par nos pas. Le mycélium est résistant : il a survécu aux différents cataclysmes qui ont frappé notre planète depuis 1 million d’années.

« En 2000, le biophysicien Toshiyuki Nakagaki, de l’université d’Hokkaido (Japon), fabrique dans son laboratoire un labyrinthe carré de 3 cm de côté découpé dans une feuille de plastique posée sur une plaque d’agar-agar 2 . Puis, il coupe un P. polycephalum en 30 morceaux qu’il dispose en divers endroits de sa construction. Chaque morceau croît à raison de 1,35 centimètre par heure environ, envahissant peu à peu les couloirs humides d’agar-agar tout en évitant le plastique sec des “murs” du labyrinthe. Les différents morceaux finissent par se rejoindre et fusionner en un seul organisme unicellulaire. Puis, Nakagaki place deux petits tas de flocons d’avoine, la nourriture favorite de P. polycephalum, un à l’entrée et l’autre à la sortie du labyrinthe. Quatre heures plus tard, les parties de l’organisme situées dans les impasses du labyrinthe ou sur les trajets superflus étaient devenues filamenteuses, tandis que celles qui occupaient le plus court chemin entre les deux tas de nourriture étaient épaisses et vigoureuses. » Nexus magazine N°94 septembre-octobre 2014.

Le Physarum polycephalum est évidemment un organisme sans cerveau ni système nerveux et pourtant, il est capable de percevoir des changements au sein de son environnement proche. De plus, il est capable de différencier sa nourriture et choisit celle qui convient le mieux à ses besoins.

Des scientifiques japonnais menés par T.Nakasaki cherchent à lui trouver une adaptabilité aux actuels réseaux de transports. Prenons le réseau ferré de Tokyo. Dans une boite de Petri, un tas de flocons a été déposé pour symboliser la ville de Tokyo et trente-six autres pour chaque ville de l’agglomération de la capitale japonaise. N’aimant pas la lumière, les zones de reliefs infranchissables ont été éclairées pour qu’elles soient contournées. Le Physarum polycephalum a commencé par s’étendre sur toute la surface disponible et une fois les points de nourriture localisés, il n’a développé que les artères les plus intéressantes. De plus, il aurait laissé un maillage secondaire d’artères plus fines pour pallier toute rupture. En 26 heures, cet organisme a produit un réseau très similaire à l’actuel réseau ferroviaire tokyoïte.

Un algorithme fût ainsi élaboré dont le but est d’améliorer les réseaux humains existants ou à venir (métro, autoroutes, téléphonie, distribution électrique, etc.).

Source : Nexus Magazine