L’impact sous-évalué du relèvement de la croûte terrestre sur le retrait de la calotte antarctique

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Une étude menée par des chercheurs de la NASA indique que le recul de la calotte antarctique sera sensiblement tempéré par le relèvement du substrat rocheux sur laquelle elle repose. Or, cette dynamique qui s’exprime à l’échelle de plusieurs siècles n’avait pas été prise en compte dans la plupart des projections multiséculaires précédentes. Une avancée dans notre compréhension qui oblige à revoir l’élévation du niveau de la mer à la baisse – toutes choses égales par ailleurs – pour ces horizons temporels.

Actuellement, la calotte glaciaire de l’Antarctique perd de la masse pour environ 152 milliards de tonnes par an. Ce chiffre est en augmentation, a minima depuis les années 1990. Pour l’heure, ce transfert net d’eau depuis l’inlandsis vers l’océan contribue à hauteur de 20 % à 25 % à la hausse du niveau des mers. Tandis que l’atmosphère et l’océan continueront à se réchauffer sous l’effet des rejets de gaz à effet de serre, la fonte continuera de s’accélérer.

Dans ce contexte, une équipe de chercheurs de la NASA a voulu cerner au mieux la manière dont le déclin du géant glacé s’articulera au cours des prochains siècles. Pourquoi regarder aussi loin ? Car, à ces échelles, de nouveaux processus entrent en jeu. Ces derniers n’ayant que des impacts négligeables à des horizons temporels plus courts – tels que d’ici à la fin du siècle.

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Variation de la masse de la calotte antarctique mesurée par gravimétrie satellitaire depuis 2002. Crédits : NASA.

Quantifier les rétroactions de long terme

Or, dans la plupart des cas, les modèles utilisés pour explorer les évolutions multiséculaires ne tiennent pas compte de ces processus. En particulier celui du rebond isostatique. « Cela s’apparente à la façon dont un coussin de canapé se décomprime lorsque vous retirez votre poids », explique Erik Ivins, co-auteur de l’étude parue dans la revue Science ce 25 avril.

Plus précisément, le relèvement du substrat rocheux sous la calotte conduit à une réduction de la surface de glace en contact avec l’océan et à augmenter son altitude. Donc à diminuer sa température. Il s’agit là d’une rétroaction négative, c’est-à-dire qu’elle amortit le processus de fonte.

Pour pallier à ces biais, les scientifiques ont développé un nouveau modèle qui inclut les processus exposés précédemment, et auquel ils ont comparé les anciens qui en étaient dépourvus. Ce faisant, ils ont pu évaluer l’importance des facteurs géodésiques. Les simulations s’étendent sur 500 ans.

« Nous avons également examiné ces modèles à une résolution beaucoup plus élevée que celle utilisée habituellement. Nous avons zoomé sur des zones d’environ 1 kilomètre au lieu des 20 kilomètres habituels », ajoute Eric Larour, auteur principal du papier. Ainsi, les chercheurs se sont concentrés sur l’Antarctique de l’ouest, dans la région de l’emblématique glacier de Thwaites.

L’effet stabilisateur du relèvement de la croûte terrestre

Comme esquissé précédemment, d’ici 2100, les deux types de projections sont similaires. Cependant, à l’horizon 2250, le relèvement local de la croûte terrestre consécutif à la réduction massique de l’inlandsis commence à ralentir sensiblement le taux de retrait par rapport aux simulations de contrôle.

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Région du glacier de Thwaites en Antarctique de l’ouest. En 2370, la plateforme de glace qui l’alimente se retire jusqu’à la ligne verte dans les anciens modèles et jusqu’à la ligne rouge dans le nouveau. Notez la différence substantielle due aux effets géodésiques. Crédits : Eric Larour, JPL/NASA/CalTech.

Le récit se reflète aussi, en toute logique, dans l’élévation du niveau de la mer. Les auteurs ont évalué entre 20 % et 40 % la différence dans la hausse projetée par rapport aux anciennes simulations d’ici 2350.

Toutefois, E. Larour, auteur principal du papier, vient tempérer cette bonne nouvelle. « C’est comme un camion dans une descente qui rencontre des ralentissements sur la piste. Le camion ralentira un peu mais continuera finalement à descendre la colline ». Gardons-nous donc d’un optimisme outrancier.

Enfin, ajoutons que ces nouveaux résultats devraient mener à un meilleur accord entre modèles et observations paléo-climatiques. En effet, une représentation plus réaliste des processus géodésiques conduit à une représentation plus réaliste des changements passés du niveau marin.

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