L’impact létal des explosions sous-marines sur les populations de planctons

abysse océan fond mer
Crédits : iStock

Les enquêtes sismiques sous-marines pourraient multiplier par trois la mortalité du zooplancton selon une nouvelle étude menée au large de la Tasmanie. C’est pourtant une menace largement sous-estimée depuis des décennies.

Le plancton représente un monde sous-marin composé d’organismes invisibles à l’œil nu. Cet écosystème complexe est essentiel à l’équilibre de notre planète. Si le plancton meurt, l’océan meurt. Et si l’océan meurt, nous mourons aussi. C’est pourquoi il faut en prendre soin, ne pas l’altérer. Depuis la fin des années 1960 pourtant, les géomètres à la recherche de ressources souterraines telles que les dépôts de pétrole utilisent des rafales d’air comprimé pour cartographier la géologie du plancher océanique, obtenant ainsi une série d’ondes sonores pouvant atteindre les 255 décibels.

La pratique a longtemps été controversée, les ondes reflétées pouvant gêner migration des mammifères marins et d’autres composantes des écosystèmes environnants. Les chercheurs craignent même que l’utilisation d’armes à air comprimé puisse être liée à un certain nombre d’échouages ​​massif sur les plages qui pourraient nuire aux tortues et aux grands invertébrés marins tels que les calmars. En revanche, et curieusement, peu de recherches ont été menées sur les dommages infligés aux échelons inférieurs de la chaîne alimentaire marine, notamment sur le zooplancton, invisible à nos yeux.

En 2015, l’auteur principal de cette nouvelle étude Jayson Semmens, de l’Université de Tasmanie, et une équipe de biologistes marins de plusieurs établissements de recherche australiens ont mené des recherches au large des côtes de Tasmanie, utilisant filets et sonars pour mesurer le nombre et la diversité du zooplancton vivant et mort avant et après l’utilisation de pistolets à air comprimé. L’arme ici utilisée était de taille semblable à celle utilisée par l’industrie de l’exploration pétrolière.

Et les résultats ne se sont pas fait attendre. Les chercheurs ont en effet constaté que le nombre de zooplanctons avait diminué de 64 % au cours d’une heure d’enquête seulement avec deux à trois fois le nombre relatif d’individus morts retrouvés après l’exposition aux explosions d’arme à feu. Des tentatives antérieures de modélisation de l’impact de l’acoustique sur le zooplancton laissaient penser que le bruit que sur une dizaine de mètres, une distance insignifiante compte tenu du roulement naturellement élevé des populations. L’impact serait finalement cent fois supérieur à celui supposé, impactant les populations de planctons sur plus de 1,2 km. Toutes les larves de krill ont été tuées après le passage du pistolet à air comprimé.

En effet, chaque explosion soufflait comme un trou massif dans les fondements même de la chaîne alimentaire qui prenait des heures sinon des jours avant de se reconstituer. Les ramifications écologiques de cette destruction ne sont pas encore claires, mais les chercheurs sont maintenant conscients du fait que les sons nuisent physiquement aux animaux microscopiques : « Le zooplancton sous-tend la santé et la productivité des écosystèmes marins mondiaux et ce que cette recherche a montré, c’est que les enquêtes sismiques commerciales pourraient causer de graves perturbations sur les populations de ces animaux microscopiques », note Robert McCauley, de l’Université de Curtin et coauteur de l’étude publiée dans la revue Nature, Ecology & Evolution.

L’exploration pétrolière est un sujet politique explosif dans le monde entier et les dirigeants ne semblent pas prendre la mesure de ces impacts sur le vivant. En témoignent les projets de l’administration Trump proposés plus tôt ce mois-ci visant à relancer l’exploration pétrolière sur la côte atlantique avec une proposition visant à permettre à cinq compagnies d’utiliser des pistolets sismiques.

Source