Que sait-on des liens entre changement climatique et agents pathogènes ?

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Crédits : Pixabay License.

Une étude sans précédent fait le point sur la façon dont les agents pathogènes susceptibles d’infecter les humains devraient évoluer avec les changements climatiques actuels et à venir. Les résultats ont été publiés dans la prestigieuse revue Nature Climate Change le 8 août dernier.

Les conséquences directes du réchauffement climatique sont relativement bien connues. Citons l’aggravation des vagues de chaleur atmosphériques et marines, celle des incendies, l’accélération du cycle de l’eau avec une aggravation des sécheresses d’un côté et des inondations de l’autre, la fonte des glaciers et des calottes polaires, le dégel du pergélisol ou encore le relèvement du niveau des mers.

L’évolution des agents pathogènes, un effet collatéral, mais incertain du changement climatique

Ces phénomènes directement liés à la chaleur qui s’accumule dans le système climatique en raison de nos émissions de gaz à effet de serre ne sont pas nécessairement les plus menaçants pour nos sociétés. En effet, les conséquences indirectes du réchauffement constituent également des risques potentiellement majeurs, et ce, d’autant plus qu’on ne les aura pas anticipés longtemps à l’avance. Parmi ces effets collatéraux très incertains, citons l’évolution des virus, bactéries, champignons et autres agents pathogènes.

Dans une nouvelle étude, des chercheurs de l’Université d’Hawaï à Mānoa (États-Unis) ont montré que plus de la moitié des maladies infectieuses touchant les humains devraient connaître une aggravation dans un climat plus chaud. Ces résultats ont été obtenus grâce à une analyse d’environ 70 000 études visant à isoler les liens entre variables environnementales et agents pathogènes. Qu’il s’agisse du Zika, de la dengue, du choléra, de la pneumonie, de l’hépatite, de la maladie de Lyme, du paludisme, de la peste ou encore du Chikungunya pour ne citer qu’eux, les données obtenues ne sont pas très réjouissantes.

agents pathogènes
Représentation graphique des liens entre phénomènes climatiques (colonne de gauche) et agents pathogènes (colonne de droite) via différents mécanismes de transmission (colonne du milieu). Plus les lignes sont épaisses, plus les liens sont nombreux. Enfin, la couleur représente la quantité de maladies infectieuses impliquées, les plus grands nombres correspondant aux couleurs rouge et orange. Crédits : Camilo Mora & coll. 2022.

Plus précisément, sur les 375 agents pathogènes étudiés par les chercheurs, 275 présentent un risque de propagation et d’infectiosité renforcé en climat plus chaud, la majorité d’entre eux se transmettant par des vecteurs dont le moustique, la tique ou les oiseaux sont devenus des représentants symboliques. « Compte tenu des conséquences généralisées de la pandémie de COVID-19, il était vraiment effrayant de découvrir la vulnérabilité sanitaire massive résultant des émissions de gaz à effet de serre », rapporte Camilo Mora, auteur principal de l’étude.

Les facteurs responsables d’une aggravation des pathogènes humains

Pourquoi une telle recrudescence ? Les résultats révèlent que les phénomènes directement liés au réchauffement comme les inondations, les sécheresses et autres vagues de chaleur modifient les aires de répartition des vecteurs, ce qui tend à rapprocher les agents pathogènes des populations humaines. Par ailleurs, les déplacements de populations humaines amènent également ces dernières en contact plus étroit avec les pathogènes, par exemple à la suite d’inondations ou de submersions en régions tropicales.

En outre, l’impact du climat sur les organismes humains, les infrastructures et les réseaux diminue la résilience des sociétés à faire face aux maladies, en particulier pour les populations les plus pauvres. La raréfaction de l’accès aux soins, le mauvais traitement de l’eau ou l’exposition accrue sont des facteurs supplémentaires d’aggravation du risque de pandémies ou d’épidémies. Enfin, les modifications du cycle de reproduction, de la transmission et de la résistance des agents pathogènes aux conditions environnementales peuvent également expliquer ces résultats.

« Nous savions que le changement climatique pouvait affecter les pathogènes humains », souligne Kira Webster, coauteure de l’étude. « Les maladies pathogènes pour l’homme ainsi que les voies de transmission que les aléas climatiques viennent aggraver sont trop nombreuses pour permettre une adaptation globale de la société, ce qui souligne l’urgence de travailler à la source du problème : la réduction des émissions de gaz à effet de serre », rapporte l’étude dans son résumé.

Afin de faciliter la prise de conscience et informer plus largement les citoyens et les décideurs, une plateforme interactive présentant les liens entre chaque agent pathogène et chaque phénomène climatique a été développée. Elle est accessible en ligne au lien suivant.