L’extinction de la fin du Permien, un analogue à la situation actuelle ?

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Crédits : Pxhere.

En s’intéressant aux bouleversements environnementaux qui ont marqué la fin du Permien, des scientifiques ont découvert une nouvelle source d’extinction pour les écosystèmes d’eaux douces lors des épisodes de réchauffements brutaux, inhibant leur rétablissement pour des centaines de milliers d’années. Les résultats paraissent ce 17 septembre dans la revue Nature communications.

L’extinction de la fin du Permien, survenue il y a 252 millions d’années, est la plus importante qu’ait connu la Terre durant le Phanérozoïque. C’est-à-dire, au cours des 540 derniers millions d’années. En cause, un réchauffement brutal du climat lié aux rejets massifs de gaz à effet de serre par de vastes éruptions volcaniques situées dans l’actuelle Sibérie.

L’explosion d’algues et de bactéries à l’origine d’une soupe toxique

Une très large fraction des espèces terrestres et océaniques s’étaient alors éteintes, y compris celles qui vivaient dans les rivières et les lacs comme l’ont démontré des chercheurs de l’Université du Connecticut (Etats-Unis). En effet, ces derniers ont mis en lumière un nouveau facteur d’extinction durant les épisodes de réchauffements climatiques extrêmes. Il consiste en une prolifération incontrôlée d’algues et de bactéries, transformant les eaux douces en une soupe toxique pour les animaux qui s’y trouvent.

Si le phytoplancton et les cyanobactéries constituent le maillon fondateur du réseau trophique marin, leur trop grande abondance conduit à l’anoxie des eaux et à la libération massive de toxines dans l’environnement. Or, grâce à l’étude de sédiments et autres roches fossiles issus du bassin de Sydney (Australie), les chercheurs ont trouvé que plusieurs proliférations massives se sont produites peu de temps après le début des éruptions sibériennes. De fait, ni les rivières, ni les lacs n’ont été épargnés par l’extinction de masse qui frappait alors la Terre.

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Intensité des extinctions marines depuis 542 millions d’années. Notez le pic absolu à la fin du Permien (End P). Crédits : Wikimedia Commons.

Et pour cause, tous les ingrédients nécessaires à la formation d’une soupe toxique étaient réunis. Citons les températures élevées et la forte concentration de l’air en dioxyde de carbone, toutes deux consécutives à l’activité volcanique. Sans oublier l’apport massif de nutriments suite au dépérissement des zones forestières. Les pluies qui tombaient sur les sols ruisselaient alors directement vers les rivières et les lacs en charriant d’importantes quantités de nitrates et de phosphates.

Extinction de la fin du Permien, un avertissement pour l’avenir proche ?

Cette signature apparaît lors de l’extinction du Permien, mais également pour d’autres épisodes de réchauffements rapides. Et celui que nous expérimentons actuellement en raison de nos activités industrielles et agricoles ne déroge pas à la règle.

« Nous constatons de plus en plus de proliférations d’algues toxiques dans les lacs et dans les environnements marins peu profonds, liées à l’augmentation de la température et aux évolutions des communautés végétales qui entraînent une augmentation des apports en nutriments dans les environnements d’eau douce » explique Tracy Frank, auteur principal de l’étude. Aussi, s’intéresser aux bouleversements du passé « (…) nous donne une belle toile de fond pour comprendre ce qui se passe aujourd’hui ».

L’augmentation actuelle du flux de nutriments est en partie le résultat de la déforestation mais également de l’agriculture et d’autres formes de pollution des eaux. La prolifération d’algues et de microbes qui en résulte provoque déjà des épisodes de mortalité massive chez les poissons ainsi que des atteintes à la santé humaine et animale.

« La fin du Permien est l’un des meilleurs endroits pour rechercher des parallèles avec ce qui se passe maintenant » relate l’auteur principal. « Ce qui est effrayant, c’est que nous sommes habitués à penser en années, peut-être en dizaines d’années si nous sommes vraiment aventureux. Il a fallu quatre millions d’années à l’environnement pour se remettre de l’extinction massive de la fin du Permien. Cela donne à réfléchir ».