Un article paru dans la revue Science ce 7 juin fait le point sur l’évolution des concentrations en méthane dans l’air au cours de la dernière vingtaine d’années. Il souligne tout l’enjeu que représente la compréhension des irrégularités observées sur cette période. En effet, si la tendance de long terme est indéniablement à la hausse, d’amples fluctuations décennales s’y sont récemment superposées. À l’heure actuelle, celles-ci sont encore mal comprises et conservent une part de mystère.
La concentration atmosphérique en méthane (CH4) – puissant gaz à effet de serre – a été multipliée par 2,5 depuis le début de l’ère industrielle. Les valeurs actuelles dépassent les 1860 ppb (parties par milliards). Une part notable de cette hausse est attribuable au développement du secteur agricole.
Contrairement à celle du dioxyde de carbone (CO2), l’augmentation du méthane est notablement irrégulière. En effet, entre la fin des années 1990 et 2006, on observe une stagnation des concentrations atmosphériques en CH4. Puis, à partir de 2007, celles-ci repartent rapidement à la hausse. Une hausse qui s’accélérera d’ailleurs de plus belle à partir de 2014, ainsi qu’en témoigne le graphique présenté ci-dessous.
Les causes précises responsables de ces fluctuations d’échelle décennale échappent encore au diagnostic scientifique. Toutefois, différentes hypothèses ont été avancées par les chercheurs.

Les isotopes du carbone : de précieux indicateurs
Les mesures isotopiques ont permis d’apporter une aide précieuse sur cette question. Ceci grâce au fait que le rapport isotopique du carbone contenu dans le méthane dépend du type de source à l’origine de son émission. Sur cette base, des scientifiques ont suggéré 3 causes possibles à la reprise de la hausse en 2007. L’augmentation des émissions biologiques – zones humides, agriculture, élevage -, la diminution du puits atmosphérique* et enfin l’augmentation des rejets industriels – via les combustibles fossiles.
Il est probable que plusieurs des mécanismes proposés aient agi de concert, puisqu’aucun d’entre eux ne peut rendre compte des observations à lui tout seul. Les rejets de CH4 par l’élevage expliqueraient près de la moitié de l’accélération entamée en 2007. En outre, ceux liés à la production et l’utilisation de combustibles fossiles – combinés à une diminution des feux de forêt – rendraient compte d’une fraction notable de la moitié restante. Néanmoins, les marges d’erreur associées aux estimations sont larges.

L’accélération à partir de 2014 s’accompagne quant à elle d’un déplacement moyen des émissions vers les tropiques de l’hémisphère sud, où de nombreuses zones humides sont présentes. Il est possible que ce changement soit une conséquence des températures anormalement élevées dans la zone tropicale depuis cette année-là – marquée par l’émergence d’une période El-Niño.
La nécessité d’un réseau de mesures étendu
À ce stade, il est difficile d’en dire plus. Les chercheurs continuent de travailler pour comprendre. Aussi, la nécessité de disposer d’un réseau de mesure adapté et globalisé est plus que jamais d’actualité.
« Davantage d’observations atmosphériques est essentiel (…), en particulier sous les tropiques qui semblent être le moteur de ces changements », lit-on dans l’article de Science. Malheureusement, la tendance actuelle pointe difficilement dans cette direction. On citera par exemple la station emblématique de l’île de l’Ascension dans l’Atlantique sud, qui risque d’être mise en arrêt – une source importante de données sur le méthane en zone tropicale.
* Dû notamment aux radicaux hydroxyles (HO).
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