L’évolution inattendue de la circulation atmosphérique dans le nord de l’Atlantique intrigue

Crédits : EOSDIS Worldview.

De nouveaux résultats publiés ce 16 octobre mettent en avant la grande difficulté qu’ont les modèles de climat à reproduire les changements de circulation atmosphérique observés depuis trois décennies en été, près du Groenland. Cette divergence entre modélisations et observations a des implications importantes, que ce soit pour la vitesse de fonte de la calotte du Groenland – qui a été sous-estimée – ou l’exactitude des projections climatiques régionales en Europe de l’ouest et du nord notamment. Ainsi, si la tendance au réchauffement et à la hausse du niveau de la mer devrait se poursuivre, l’évolution de la circulation atmosphérique et des précipitations qui lui sont liées présente au contraire de grandes incertitudes.

En examinant les observations météorologiques sur les 3 dernières décennies, et en les comparant aux modélisations climatiques sur la même période, des chercheurs ont noté l’existence d’un important désaccord qui culmine au niveau de la région groenlandaise. Celui-ci concerne essentiellement la saison estivale. Tandis que les modèles y simulent en moyenne une tendance à la baisse de la pression atmosphérique, les observations indiquent au contraire une tendance à la hausse. Cela correspond à une augmentation de la fréquence des blocages groenlandais – lorsqu’une cellule anticyclonique stationne dans le secteur -, une évolution qui se précise depuis les années 1990 dans les observations.

Ces divergences ont des implications importantes, et ce pour plusieurs raisons. D’une part, la récurrence de pressions anormalement élevées aux hautes latitudes nordiques en cours de saison chaude accentue la tendance à la fonte de la calotte du Groenland. L’advection de masses d’air relativement chaud – originaire des subtropiques – ainsi qu’un temps sec et ensoleillé sont en effet favorisés. D’autre part, ce type de configuration atmosphérique à des conséquences significatives aux moyennes latitudes. Le courant d’ouest circule alors anormalement bas et s’associe à un défilé de perturbation amenant des conditions agitées – en particulier en Europe de l’Ouest et du Nord. Les étés du type 2007 et 2012, marqués par des conditions particulièrement humides, pourraient devenir de plus en plus fréquents si ce schéma de circulation venait à persister et/ou à se renforcer au cours des prochaines années.

Au final, les modèles ont sous-estimé l’ampleur de la fusion estivale de la calotte groenlandaise sur les dernières décennies, et ont à l’évidence de grandes difficultés à rendre compte de l’évolution de la circulation atmosphérique dans le nord de l’atlantique. Par conséquent, les projections climatiques régionales dans le secteur s’avèrent être un vrai défi. Hormis la tendance de fond au réchauffement et à la hausse du niveau de la mer qui devrait sans nul doute se poursuivre, elles s’accompagnent donc d’une forte incertitude*.

Des pistes ont été mises en avant afin d’expliquer la divergence observée, comme l’effet possible de l’oscillation atlantique multidécennale. Il s’agit d’un mode de variabilité lente de l’océan Atlantique nord qui a subi une transition vers sa phase chaude dans les années 1990, et qui aurait été mal pris en compte, ou encore les influences de la fonte des glaces arctiques. A aussi été évalué le simple effet de la variabilité intrinsèque à la circulation des moyennes latitudes – par définition imprévisible à long terme. Cependant, la tendance à la hausse de la pression observée sort si fortement de la gamme de variabilité représentée dans les modèles que les chercheurs ne souscrivent pas à l’hypothèse selon laquelle elle serait suffisante pour expliquer le désaccord observé.

Une meilleure prise en compte de l’océan, du relief ou encore de la stratosphère pourrait être une voie à suivre pour mieux modéliser les blocages atmosphériques. Ces derniers restent un phénomène difficile à reproduire, mais jouent pourtant un rôle-clé dans la dynamique du climat aux moyennes et hautes latitudes. Cela permettrait a priori de se rapprocher des observations et de diminuer les incertitudes quant aux projections futures, en particulier dans le secteur nord-atlantique. Pour conclure, Il est bon de rappeler que dans le contexte du changement climatique anthropique, l’incertitude n’est pas notre alliée.

* L’incertitude étant surtout associée à la partie circulation – donc dynamique – comme explicité dans le paragraphe, elle se projette essentiellement sur les précipitations en été et sur les tempêtes et anomalies thermiques en hiver.

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