En hiver, il n’est pas rare que la stratosphère polaire soit affligée par une hausse intense et brutale de la température. Ces événements puissants – nommés réchauffements stratosphériques soudains – se produisent en moyenne tous les 2 ans, et font partie de la variabilité naturelle du climat. Étonnamment, ils avaient disparu pendant près de 10 ans à la fin du 20e siècle. Une période probablement sans précédent depuis 1850 qui n’a pas encore révélé tous ses secrets.
Quelques notions de base
Les réchauffements stratosphériques soudains (SSWs pour l’acronyme anglais) sont des événements naturels caractérisés par un réchauffement intense et brutal de la stratosphère. Ils se produisent exclusivement en saison froide. La masse d’air glacial et tourbillonnant – appelée vortex polaire – qui occupe le pôle à cette période se voit alors fortement déstructurée. Le vortex finit par s’effacer lors des événements les plus violents.
Ce bouleversement de la circulation dans la haute atmosphère tend à se propager vers la surface où il influence le temps sensible jusqu’à plusieurs semaines – en particulier dans le secteur nord-atlantique. Par conséquent, la prévisibilité météorologique est généralement majorée. D’où l’intérêt porté à ces phénomènes. On en compte en moyenne 1 tous les 2 ans. Notons qu’ici nous ne parlerons que des réchauffements majeurs, c’est-à-dire les plus vigoureux d’un point de vue dynamique.
La variabilité stratosphérique avant 1950
La fréquence des SSWs possède une variabilité décennale marquée. En particulier, entre 1989 et 1998, aucun n’a été recensé. Il s’agit là d’une période unique, sans équivalent dans les observations. Toutefois, ces dernières se basent fortement sur des données satellitaires, uniquement disponibles depuis les années 1970. Ainsi, plus l’on remonte dans le temps, plus les incertitudes s’accentuent. À tel point qu’avant 1950, il n’existe pas d’estimation robuste de la fréquence des réchauffements stratosphériques soudains.
Dans une étude parue le 4 mars 2019 dans la revue JGR Atmospheres, une chercheuse a proposé une méthode ingénieuse pour remonter à la variabilité des SSWs avant 1950. En effet, puisqu’ils tendent à moduler la circulation atmosphérique en surface, il serait théoriquement possible d’utiliser cette dernière pour en déduire quand un réchauffement de la stratosphère s’est produit.
L’indice de l’oscillation nord-atlantique – NAO – résume bien la variabilité météorologique. Il a notamment l’avantage de se baser sur la pression de surface, variable observée à grande échelle depuis plusieurs siècles. La scientifique a ainsi pu inférer le nombre de SSW par hiver de 1850 jusqu’à nos jours. Précisons que les réchauffements qui ne se sont pas propagés jusqu’en surface n’ont évidemment pas pu être détectés. Malgré ce biais, les comparaisons avec la période récente montrent que la méthode permet d’obtenir un bon accord.
Une décennie exceptionnelle
Les résultats obtenus confirment que la décennie 1990 présente une absence de réchauffement stratosphérique sans précédent. Néanmoins, il n’apparaît aucune tendance à long terme. Le comportement des SSWs en ce début de 21e siècle s’avère finalement très proche de celui estimé au début du 20e siècle. En fait, la série est essentiellement marquée par une importante variabilité décennale à multi-décennale.
L’origine précise de l’anomalie des années 1990 n’est pas identifiée. Deux hypothèses qui ne s’excluent pas mutuellement sont avancées. Il pourrait simplement s’agir d’une propriété de la variabilité interne au système climatique, capable de se déréguler spontanément. Aussi, la diminution de la couche d’ozone a probablement renforcé le vortex à cette période, ce qui aurait réduit la probabilité d’occurrence de SSWs.
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