Les zones océaniques à faible contenu en dioxygène vont-elles continuer à s’étendre ?

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Selon une étude récente, le changement climatique, après avoir entraîné l’élargissement des zones océaniques à faible contenu en dioxygène, pourrait favoriser leur recul au cours des siècles prochains. Les chercheurs pensent que cette inversion des tendances se produirait aux alentours de 2100.

En raison du changement climatique, la quantité de dioxygène (O²) dissous dans les eaux de mer a diminué de 2 % au total depuis 1960. Cette baisse est particulièrement inquiétante pour la bande tropicale, car elle s’accompagne d’une extension marquée de ce que l’on appelle les zones de minimum d’oxygène (ZMO) – avec toutefois des variations locales. Ces zones océaniques à très faibles teneurs en O² dissous sont naturellement situées dans les tropiques à des profondeurs de l’ordre de plusieurs centaines de mètres sous la surface. Leur évolution joue un rôle important sur la survie des organismes marins – qui dépendent de ce gaz -, sur les réseaux trophiques ainsi que sur les cycles biogéochimiques du carbone et de l’azote.

Des simulations numériques destinées à prévoir l’évolution de la quantité d’O² dissous dans l’océan tropical (en cas de poursuite du réchauffement global) ont fourni des résultats assez surprenants. Ces tests de prédiction s’étendent jusqu’en 2300 et montrent que dans un premier temps, la tendance entamée au siècle dernier continue : le volume occupé par les ZMO devient de plus en plus grand. Cette évolution perdure jusqu’aux alentours de 2100. Passé cet horizon, l’extension stagne et c’est un recul qui se met progressivement en place et qui se poursuit toujours en 2300. La possibilité d’une telle évolution n’avait pas été anticipée jusqu’à présent.

Pour comprendre ce qu’il se passe, il faut prendre connaissance de ce qui règle la teneur en dioxygène dissous des eaux de mer. Plusieurs processus sont à l’œuvre. Tout d’abord, le transfert direct d’O² de l’atmosphère vers l’océan de surface, dont l’efficacité dépend de la température de l’eau : plus elle est froide plus ce transfert est important (car plus le gaz est soluble). Ensuite, la circulation océanique qui transporte l’eau de surface riche en dioxygène vers les profondeurs – on parle de ventilation. Enfin, l’activité biologique qui consomme l’O² dissous présent dans l’eau. Ainsi, si les ZMO sont essentiellement situées dans la bande tropicale entre 200 et 1000 mètres de profondeur, c’est parce que l’apport en O² y est faible et la demande biologique élevée.

Selon les projections climatiques de l’étude, le moment à partir duquel la tendance s’inverse correspond à celui où la consommation de dioxygène par les organismes marins diminue, assez rapidement pour contrebalancer l’impact de la baisse de solubilité associée à des eaux plus chaudes. Quant à l’influence de la ventilation, elle accentue ce schéma, en passant d’un ralentissement durant le 21e siècle à une accélération modeste au cours du 22e siècle. Après avoir été ralenti, le transport d’O² de la surface vers les profondeurs se remettrait donc en marche.

Ces résultats suggèrent que près de la moitié de l’extension des ZMO entre le 19e et la fin du 21e siècle pourrait être compensée par leur régression d’ici 2300. De plus, les régions avec les plus faibles niveaux d’O² pourraient se contracter davantage et faire office de rétroaction négative sur le changement climatique. On pourrait par exemple observer moins d’émissions d’oxyde nitreux – un gaz à effet de serre puissant – en provenance de l’océan. Toutefois, la grande sensibilité de ces différents processus aux variations physiques et biologiques, ainsi que l’importance de bien capturer leur intensité et leur phasage doit inciter à la prudence. De futures recherches devront approfondir notre compréhension de ces mécanismes pour mieux quantifier les incertitudes et la part des différents processus à l’œuvre.

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