Maria Branyas Morera
Maria Branyas Morera à l'occasion de son 117e anniversaire , le 4 mars 2024. Crédits : Archives familiales Branyas Morera, domaine public

Les scientifiques ont percé (et nous révèlent) le secret de la femme qui a vécu 117 ans et défié les lois de la biologie

Née le 4 mars 1907, Maria Branyas Morera a marqué l’histoire en devenant l’une des femmes les plus âgées du monde et la personne la plus âgée au monde en 2023. Elle est décédée en août 2024 à l’âge de 117 ans et 168 jours, une longévité exceptionnelle qui a intrigué scientifiques et chercheurs : pourquoi a-t-elle vécu aussi longtemps ? Est-ce dû à des facteurs génétiques rares, à son mode de vie ou à une combinaison des deux ? Une étude approfondie menée par des chercheurs espagnols avec des technologies avancées de biologie pourrait enfin répondre à cette question.

Une étude unique sur une supercentenaire

L’étude sur Maria Branyas Morera s’est concentrée sur une analyse multiomique de son corps. Ce terme désigne l’étude de plusieurs aspects biologiques à la fois, notamment le génome, le transcriptome, le métabolisme, le microbiome et l’épigénome.

Dans le détail, le génome représente l’ensemble du matériel génétique d’un individu, c’est-à-dire tout l’ADN. Cela comprend les gènes qui portent les instructions pour fabriquer les protéines et réguler les fonctions du corps.

Le transcriptome fait de son côté référence à l’ensemble des ARN produits par un génome à un moment donné. Ces ARN sont des copies temporaires des gènes qui sont utilisés pour fabriquer des protéines dans le corps. Analyser le transcriptome permet de comprendre comment les gènes sont activés ou désactivés dans les cellules, ce qui peut affecter la santé et le vieillissement.

Le métabolome désigne quant à lui l’ensemble des petites molécules (ou métabolites) qui sont produites lors des réactions chimiques dans les cellules du corps. Ces métabolites jouent un rôle crucial dans la production d’énergie, la régulation de la croissance cellulaire et d’autres fonctions vitales. Étudier le métabolome permet de comprendre comment le métabolisme fonctionne et comment il change avec l’âge.

Le microbiome est quant à lui constitué de milliards de micro-organismes (comme des bactéries, des virus et des champignons) qui vivent dans et sur notre corps, notamment dans notre intestin. Ces micro-organismes ont un rôle important dans notre digestion, notre système immunitaire, et même notre humeur et notre santé mentale.

Enfin, l’épigénome se réfère aux modifications chimiques de l’ADN et des protéines autour de celui-ci qui influencent l’expression des gènes, c’est-à-dire leur activation ou désactivation, sans changer la séquence d’ADN elle-même. Ces modifications peuvent être influencées par l’environnement, le mode de vie et l’alimentation, et elles jouent un rôle clé dans le vieillissement et la prévention de certaines maladies.

Une biologie « jeune » malgré un âge avancé

À 116 ans, alors qu’elle était déjà bien au-delà de l’espérance de vie moyenne, les chercheurs ont prélevé des échantillons biologiques de ses tissus afin de les comparer à ceux de personnes bien plus jeunes, dont certains n’avaient que 25 ans. Les résultats de cette analyse ont été étonnants. En comparant les cellules de Branyas Morera avec celles des sujets plus jeunes, les chercheurs ont découvert que de nombreux marqueurs biologiques associés à l’âge étaient étonnamment jeunes pour une femme de 116 ans.

Prenons l’exemple des télomères, ces structures situées à l’extrémité des chromosomes. Ils raccourcissent normalement avec l’âge, mais dans le cas de Branyas Morera, ses télomères étaient parmi les plus longs jamais observés, même par rapport à ceux des individus dans la trentaine. Cette observation suggère que biologiquement, elle vieillissait bien moins vite que la majorité des gens.

Les chercheurs ont aussi trouvé des variantes génétiques rares chez elle qui sont connues pour protéger contre certaines des maladies les plus courantes liées à l’âge comme les troubles cardiovasculaires, le diabète et la neurodégénérescence. Ces résultats indiquent que génétiquement, elle avait un avantage considérable qui a contribué à sa longévité.

gènes ADN Maria Branyas Morera

Crédit : iStock

Crédits : TanyaJoy/iStock

L’importance de la génétique dans la longévité

Au-delà de ses marqueurs biologiques exceptionnels, les scientifiques ont identifié plusieurs variantes génétiques uniques chez Maria Branyas Morera. Ces mutations étaient présentes chez elle, mais pas chez les autres personnes étudiées, ce qui suggère qu’elles ont joué un rôle clé dans sa longévité. Ces variants sont liés à des mécanismes biologiques importants tels que la régulation des cellules souches et la protection contre les maladies chroniques.

L’étude a également mis en lumière l’importance de l’épigénétique dans la longévité. En utilisant des horloges épigénétiques, les chercheurs ont calculé l’âge biologique de cette femme à partir de la méthylation de l’ADN. Ces horloges ont révélé que son âge biologique était bien plus jeune que son âge chronologique. Cette découverte renforce l’idée que la longévité ne dépend pas uniquement des gènes, mais aussi de la manière dont ceux-ci sont exprimés au fil du temps.

Le rôle d’un mode de vie sain

La biologie seule ne suffit pas à expliquer la longévité exceptionnelle de Branyas Morera. L’étude a également révélé que son mode de vie actif et sain a joué un rôle déterminant. Vivant en Catalogne, une région méditerranéenne, elle suivait un régime alimentaire riche en légumes, fruits, huile d’olive et produits laitiers fermentés, notamment le yaourt. Ce type de régime typique de la diète méditerranéenne est bien connu pour ses bienfaits pour la santé cardiovasculaire et digestive.

Les chercheurs ont également observé que Branyas Morera entretenait un microbiote intestinal exceptionnel. Or, un microbiote sain est souvent lié à un vieillissement plus lent et à une meilleure réponse immunitaire. Son alimentation, combinée à des habitudes de vie saines, lui a permis de maintenir une santé physique et mentale impressionnantes, même à un âge avancé.

Outre son régime alimentaire, la centenaire avait une vie sociale active, ce qui est un autre facteur clé pour une vie longue et saine. Elle était entourée de sa famille et d’amis, et aimait passer du temps à jardiner, jouer du piano et lire. Ces activités, qui stimulent à la fois l’esprit et le corps, sont associées à une meilleure santé mentale et à une réduction du risque de démence.

En fin de compte, Maria Branyas Morera a montré qu’il est possible de défier les lois de la biologie, mais aussi que la clé réside dans une combinaison d’éléments rares et d’un mode de vie qui respecte à la fois le corps et l’esprit. Les scientifiques poursuivent leurs recherches pour comprendre mieux ces mécanismes, et peut-être nous pourrons un jour tous bénéficier des secrets de ceux qui, comme elle, vivent au-delà des 100 ans.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.