Des chercheurs ont récemment découvert que les profondeurs de l’océan Pacifique étaient encore en train de s’ajuster à la perturbation climatique du petit âge glaciaire. Ce dernier ayant pourtant pris fin il y a plus d’un siècle et demi. Cette réaction de long terme de l’océan Pacifique se répercute subtilement sur le réchauffement en cours.
Entre le XIVe et le XIXe siècle, la Terre connaissait une période climatique particulière connue sous le nom de petit âge de glace (PAG). Sans commune mesure avec les périodes glaciaires, cette anomalie climatique s’est exprimée régionalement par des conditions plus froides, notamment sur le nord-atlantique, entre l’Europe et en Amérique du nord. Des hivers rigoureux et des étés peu cléments étaient alors récurrents – ce qui a permis aux glaciers de s’étendre à plusieurs reprises. On retrouve des traces de cet épisode dans de nombreux autres endroits du globe, mais sans caractère synchrone évident à l’échelle globale.
Près de 2 siècles plus tard, à l’ère du réchauffement climatique anthropique et du recul des glaciers, le petit âge de glace nous paraît bien loin. Or, des chercheurs ont mis en évidence une réalité qui peut surprendre. La couche océanique dans les profondeurs du Pacifique serait encore en train de s’ajuster au déséquilibre climatique des siècles passés ! D’une certaine façon, cette partie de l’océan n’aurait commencé à « voir » le PAG que récemment, et serait encore « aveugle » au réchauffement moderne.
Une modélisation confirmée par les observations
En analysant les résultats produits par un modèle de climat, puis en les comparant aux observations, les scientifiques ont découvert que si la majeure partie de l’océan s’était réchauffée au cours du XXe siècle, ce n’était pas le cas à quelques kilomètres de profondeur dans le Pacifique.
Les observations utilisées reposent sur les données acquises par la World Ocean Circulation Experiment dans les années 1990, et sur des mesures faites dans les années 1870 par le HMS Challenger – un navire mis à disposition d’une exploration scientifique océanique mondiale. Après avoir apporté les corrections nécessaires, les deux jeux de données permettent une comparaison entre les conditions thermiques de ces deux époques. « La correspondance étroite entre les prévisions et les tendances observées nous a donné la certitude qu’il s’agit d’un véritable phénomène », précise G. Gebbie, auteur principal de l’étude parue dans la revue Science ce 4 janvier.
Une mémoire océanique remarquable
Conséquence de la circulation océanique planétaire, les eaux qui siègent dans les profondeurs du pacifique sont très anciennes. La dernière fois qu’elles étaient en contact avec l’atmosphère, elles se situaient dans le nord-atlantique, il y a 800 à 1400 ans de ça. Au cours de leur trajet, elles ont gardé l’empreinte des conditions climatiques qui prévalaient au moment de leur plongée. Cela signifie que le temps nécessaire à cette partie de l’océan pour s’équilibrer à une perturbation climatique donnée est du même ordre de grandeur.
En conséquence, le refroidissement qui s’associe au PAG y est encore en cours et l’a été tout au long du XXe siècle. Sa quantification reste sujette à des incertitudes, mais se situerait entre 0,02 °C et 0,08 °C sur le dernier siècle. Cela paraît dérisoire, mais étant donné l’énorme masse d’eau concernée, une importante quantité d’énergie est impliquée.
Cette mémoire océanique remarquable influence les changements climatiques en cours. Elle impose en particulier une réévaluation de la quantité d’énergie absorbée par le système climatique pendant la période de réchauffement récent. En effet, les évaluations précédentes supposaient un océan initialement à l’équilibre au début de la révolution industrielle. On a vu que ce n’était pas le cas. L’étude conclut ainsi qu’il faudrait revoir d’environ 35 % à la baisse l’énergie absorbée depuis 1750.
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