Les premiers signes d’un point de non-retour pour la forĂȘt amazonienne ?

foret incendies
Crédits : flickr.

La forĂȘt amazonienne s’assĂšche rapidement et pourrait mĂȘme avoir atteint un point de non-retour. C’est en tout cas ce qu’appuient des rĂ©sultats publiĂ©s dans Scientific Reports le 25 octobre dernier. Les premiers signes de la mise en place de boucles de rĂ©troactions amplificatrices ont Ă©tĂ© diagnostiquĂ©s. Aussi, c’est la perte d’un des rĂ©gulateurs majeurs du climat global qui est en jeu.

L’AmĂ©rique du sud avec la forĂȘt amazonienne qui s’y trouve est une zone gĂ©ographique particuliĂšrement sensible aux sĂ©cheresses et incendies associĂ©s. Or, avec le changement climatique et la dĂ©forestation, ce risque est toujours plus grand. Une tendance inquiĂ©tante car l’écosystĂšme ne joue plus pleinement sa fonction de puits de carbone. En outre, la dynamique du cycle de l’eau rĂ©gional est altĂ©rĂ©e.

Un environnement de plus en plus sec

Dans une rĂ©cente Ă©tude, des chercheurs de la NASA ont Ă©valuĂ© comment l’humiditĂ© a changĂ© au-dessus de l’Amazonie durant la saison sĂšche entre 1987 et 2016. Pour ce faire, ils ont utilisĂ© des donnĂ©es satellitaires (AIRES) et de rĂ©analyse (ERA-Interim).

« Nous avons observĂ© qu’au cours des deux derniĂšres dĂ©cennies, il y a eu un assĂšchement significatif de l’air au-dessus de la forĂȘt tropicale ainsi qu’une hausse de la demande en eau » prĂ©cise Armineh Barkhordarian, auteur principal du papier.

Amazonie sécheresse
Tendance dans le dĂ©ficit en vapeur d’eau atmosphĂ©rique au-dessus du sud-est amazonien (gauche) et du nord-ouest amazonien (droite). Les diffĂ©rentes courbes correspondent Ă  diffĂ©rents jeux de donnĂ©es. De plus, les dates correspondent aux Ă©pisodes de mĂ©ga-sĂ©cheresses. Notez l’assĂšchement rĂ©cent et plus Ă©pisodique sur le second graphique qui correspond Ă  une forĂȘt vierge. CrĂ©dits : A. Barkhordarian & al. 2019.

Dit autrement, l’humiditĂ© de l’air dĂ©cline et en consĂ©quence le flux d’eau des vĂ©gĂ©taux vers l’atmosphĂšre doit augmenter. Un peu Ă  l’image d’un linge qui perd son humiditĂ© plus rapidement par temps sec. Et si l’eau prĂ©sente dans les sols n’est pas suffisante, la forĂȘt dĂ©pĂ©ri. La tendance dĂ©tectĂ©e est systĂ©matique au sud-est de l’Amazonie mais plus Ă©pisodique au nord-ouest, lĂ  ou la forĂȘt est encore vierge. Le record remonte ici Ă  la mĂ©ga-sĂ©cheresse de 2015.

Une tendance pilotée par les activités humaines

« En comparant cette tendance aux donnĂ©es des modĂšles estimant la variabilitĂ© du climat sur des milliers d’annĂ©es, nous avons dĂ©terminĂ© que le changement dans l’humiditĂ© atmosphĂ©rique Ă©tait bien au-delĂ  de ce que l’on pouvait attendre de la variabilitĂ© naturelle du climat » ajoute Armineh Barkhordarian.

Les chercheurs estiment que le forçage par les gaz Ă  effet de serre a contribuĂ© pour prĂšs de la moitiĂ© Ă  l’assĂšchement observĂ©. La dĂ©forestation mais aussi les particules de fumĂ©es associĂ©es aux brĂ»lis ont contribuĂ© au reste. En effet, les aĂ©rosols de carbone noir absorbent le rayonnement solaire ce qui rĂ©chauffe l’atmosphĂšre et participe Ă  diminuer la couverture nuageuse. Ce sont donc essentiellement les activitĂ©s humaines qui sont responsables de l’évolution diagnostiquĂ©e.

Mise en place de boucles d’amplification

Or, l’altĂ©ration de l’écosystĂšme amazonien met en route des boucles de rĂ©troactions capables d’amplifier encore plus les changements initiaux. Par exemple, avec un climat plus sec, moins de dioxyde de carbone (CO2) est capturĂ©. Ce dernier s’accumule donc d’autant plus dans l’atmosphĂšre. De fait, le rĂ©chauffement global est accentuĂ© et l’assĂšchement de l’Amazonie amplifiĂ©, etc.

Crédits : Victor Moriyama / Greepeace

Par ailleurs, en climat plus sec, la forĂȘt est moins apte Ă  recycler l’eau. En effet, jusqu’à 80 % de l’or bleu tourne en circuit fermĂ©. En particulier en saison sĂšche, ce qui permet de maintenir une certaine humiditĂ©. Si ce recyclage est affaibli, la sĂ©cheresse est amplifiĂ©e. Un autre cercle vicieux.

« C’est une question d’offre et de demande. Avec l’augmentation de la tempĂ©rature et l’assĂšchement de l’air au-dessus des arbres, ceux-ci doivent transpirer pour se refroidir et ajouter plus de vapeur d’eau dans l’atmosphĂšre. Mais le sol n’a pas suffisamment d’eau pour que les arbres arrivent Ă  en tirer assez » relate Sassan Saatchi, co-auteur du papier. « Notre Ă©tude montre que la demande augmente, l’offre diminue et que si cela continue, la forĂȘt pourrait ne plus ĂȘtre en mesure de se maintenir ». C’est tout particuliĂšrement vrai en ce qui concerne le sud-est amazonien.

Pour ces raisons, les auteurs mettent en garde. Nous sommes peut-ĂȘtre sur le point de perdre un rĂ©gulateur majeur du climat. Les mĂ©canismes de rĂ©troactions positives ayant de toute Ă©vidence dĂ©jĂ  dĂ©butĂ©.

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