La forĂȘt amazonienne sâassĂšche rapidement et pourrait mĂȘme avoir atteint un point de non-retour. C’est en tout cas ce qu’appuient des rĂ©sultats publiĂ©s dans Scientific Reports le 25 octobre dernier. Les premiers signes de la mise en place de boucles de rĂ©troactions amplificatrices ont Ă©tĂ© diagnostiquĂ©s. Aussi, c’est la perte d’un des rĂ©gulateurs majeurs du climat global qui est en jeu.
L’AmĂ©rique du sud avec la forĂȘt amazonienne qui sây trouve est une zone gĂ©ographique particuliĂšrement sensible aux sĂ©cheresses et incendies associĂ©s. Or, avec le changement climatique et la dĂ©forestation, ce risque est toujours plus grand. Une tendance inquiĂ©tante car lâĂ©cosystĂšme ne joue plus pleinement sa fonction de puits de carbone. En outre, la dynamique du cycle de lâeau rĂ©gional est altĂ©rĂ©e.
Un environnement de plus en plus sec
Dans une rĂ©cente Ă©tude, des chercheurs de la NASA ont Ă©valuĂ© comment lâhumiditĂ© a changĂ© au-dessus de lâAmazonie durant la saison sĂšche entre 1987 et 2016. Pour ce faire, ils ont utilisĂ© des donnĂ©es satellitaires (AIRES) et de rĂ©analyse (ERA-Interim).
« Nous avons observĂ© qu’au cours des deux derniĂšres dĂ©cennies, il y a eu un assĂšchement significatif de lâair au-dessus de la forĂȘt tropicale ainsi quâune hausse de la demande en eau » prĂ©cise Armineh Barkhordarian, auteur principal du papier.
Dit autrement, lâhumiditĂ© de lâair dĂ©cline et en consĂ©quence le flux dâeau des vĂ©gĂ©taux vers lâatmosphĂšre doit augmenter. Un peu Ă lâimage dâun linge qui perd son humiditĂ© plus rapidement par temps sec. Et si l’eau prĂ©sente dans les sols n’est pas suffisante, la forĂȘt dĂ©pĂ©ri. La tendance dĂ©tectĂ©e est systĂ©matique au sud-est de lâAmazonie mais plus Ă©pisodique au nord-ouest, lĂ ou la forĂȘt est encore vierge. Le record remonte ici Ă la mĂ©ga-sĂ©cheresse de 2015.
Une tendance pilotée par les activités humaines
« En comparant cette tendance aux donnĂ©es des modĂšles estimant la variabilitĂ© du climat sur des milliers d’annĂ©es, nous avons dĂ©terminĂ© que le changement dans lâhumiditĂ© atmosphĂ©rique Ă©tait bien au-delĂ de ce que l’on pouvait attendre de la variabilitĂ© naturelle du climat » ajoute Armineh Barkhordarian.
Les chercheurs estiment que le forçage par les gaz Ă effet de serre a contribuĂ© pour prĂšs de la moitiĂ© Ă lâassĂšchement observĂ©. La dĂ©forestation mais aussi les particules de fumĂ©es associĂ©es aux brĂ»lis ont contribuĂ© au reste. En effet, les aĂ©rosols de carbone noir absorbent le rayonnement solaire ce qui rĂ©chauffe l’atmosphĂšre et participe Ă diminuer la couverture nuageuse. Ce sont donc essentiellement les activitĂ©s humaines qui sont responsables de lâĂ©volution diagnostiquĂ©e.
Mise en place de boucles d’amplification
Or, l’altĂ©ration de lâĂ©cosystĂšme amazonien met en route des boucles de rĂ©troactions capables dâamplifier encore plus les changements initiaux. Par exemple, avec un climat plus sec, moins de dioxyde de carbone (CO2) est capturĂ©. Ce dernier sâaccumule donc dâautant plus dans lâatmosphĂšre. De fait, le rĂ©chauffement global est accentuĂ© et lâassĂšchement de l’Amazonie amplifiĂ©, etc.
Par ailleurs, en climat plus sec, la forĂȘt est moins apte Ă recycler lâeau. En effet, jusquâĂ 80 % de lâor bleu tourne en circuit fermĂ©. En particulier en saison sĂšche, ce qui permet de maintenir une certaine humiditĂ©. Si ce recyclage est affaibli, la sĂ©cheresse est amplifiĂ©e. Un autre cercle vicieux.
« C’est une question d’offre et de demande. Avec lâaugmentation de la tempĂ©rature et lâassĂšchement de lâair au-dessus des arbres, ceux-ci doivent transpirer pour se refroidir et ajouter plus de vapeur dâeau dans lâatmosphĂšre. Mais le sol n’a pas suffisamment d’eau pour que les arbres arrivent Ă en tirer assez » relate Sassan Saatchi, co-auteur du papier. « Notre Ă©tude montre que la demande augmente, l’offre diminue et que si cela continue, la forĂȘt pourrait ne plus ĂȘtre en mesure de se maintenir ». C’est tout particuliĂšrement vrai en ce qui concerne le sud-est amazonien.
Pour ces raisons, les auteurs mettent en garde. Nous sommes peut-ĂȘtre sur le point de perdre un rĂ©gulateur majeur du climat. Les mĂ©canismes de rĂ©troactions positives ayant de toute Ă©vidence dĂ©jĂ dĂ©butĂ©.
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