Dans le cadre d’un projet scientifique s’étalant sur plusieurs années, des chercheurs ont retrouvé des dizaines de « contaminants chimiques d’intérêt » un peu partout sur le littoral de France métropolitaine. Cet état des lieux inédit alerte sur la nécessité de surveiller ces substances en milieu marin afin de mieux protéger les écosystèmes.
Étudier la présence de contaminants chimiques sur le littoral
L’Office français de la biodiversité (OFB) a commandé une vaste étude – le projet Emergent’Sea – auprès d’une équipe de scientifiques du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer) et de l’Université de Bordeaux. L’objectif ? Rechercher des contaminants présents dans des prélèvements effectués sur l’ensemble du littoral de France métropolitaine (de la Manche à la Méditerranée), principalement au niveau de sites maritimes concernés par des apports d’origine urbaine, industrielle, agricole ou portuaire. Le rapport final du projet a été publié sur la plateforme Archimer en avril 2025.
Pour assurer leurs prélèvements, les chercheurs ont utilisé des échantillonneurs passifs directement dans l’eau, à savoir des dispositifs non biologiques capables de capter la contamination sur un temps long (26 points de suivi). Ces échantillonneurs ont complété une méthode plus traditionnelle, à savoir des échantillons provenant de mollusques (34 points de suivi). Selon les scientifiques, il s’agissait de rechercher pas moins de 102 substances organiques et 21 composés métalliques.
« Ce projet a ainsi permis une acquisition, sur l’ensemble du littoral Français, de données aussi homogènes que possible : période d’acquisition, échantillonnage, analyses, traitement des données. », peut-on lire dans le rapport.
Identifier les substances les plus pertinentes à surveiller
Après analyse des échantillons d’eau, environ 77% des substances en question ont été retrouvées, principalement des herbicides (atrazine, métolachlore) et des résidus pharmaceutiques comme le paracétamol. Dans le cas des mollusques, le gros de la contamination provient également des herbicides mais aussi, des biocides antisalissures (peintures antifouling) que l’on utilise généralement pour éviter que les coques de bateaux ne se couvrent d’organismes marins. Les résultats ont également démontré la présence non négligeable de contaminants chimiques (pesticides et médicaments) dans des endroits assez éloignés des sources de pollution et donc, à priori préservés. L’exemple cité par les auteurs de l’étude est l’île d’Ouessant, au large de la Bretagne.
Pour les spécialistes, il est ici question de « contaminants chimiques d’intérêt » qu’il serait judicieux d’inclure dans la surveillance française, dans le cadre de la Directive-Cadre sur l’Eau (DCE). Une proposition de considérer ces substances comme étant des Polluants spécifiques de l’état écologique (PSEE) est en cours d’évaluation. L’objectif de cette proposition est de mieux évaluer l’état écologique des eaux littorales en identifiant les composants les plus pertinents à suivre au niveau du littoral. En revanche, il n’est pas question de surveillance sanitaire puisque celle-ci est notamment à la charge des Agences Régionales de Santé (ARS).
Par ailleurs, ces travaux ont permis de démontrer qu’associer des échantillonneurs passifs en complément des suivis traditionnels sur mollusques permettait d’optimiser la surveillance des contaminants chimiques d’intérêt. Aussi, le projet a permis de révéler des manquements en termes de seuils écotoxiques efficaces pour évaluer les risques concernant les écosystèmes marins. De tels seuils sont en cours de décision, en fonction des substances qui seront sélectionnées en tant que PSEE. En attendant, les risques pour les écosystèmes marins restent difficiles à évaluer.
