Les plantes peuvent pousser dans le sol lunaire (mais elles n’aiment pas ça)

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Des plantes poussant dans un sol lunaire. Crédits : Tyler Jones, UF/IFAS

Pour la première fois, des scientifiques ont réussi à faire pousser des plantes dans un sol lunaire. Ces échantillons avaient été rapportés il y a plus de cinquante ans dans le cadre des missions Apollo. En revanche, il est peu probable que nous puissions en cultiver sur la Lune de sitôt. Les détails de l’étude sont publiés dans la revue Communications Biology.

La NASA se prépare à renvoyer des astronautes sur la Lune dans le cadre de son programme Artemis. À terme, il s’agira de maintenir une présence humaine durable sur notre satellite. Au cours des premières années, il sera possible d’affréter des ressources depuis la Terre, mais de tels voyages ne sont pas tenables très longtemps. Aussi, la question de pouvoir cultiver de la nourriture directement sur place intéresse de nombreux chercheurs. Mais pourrait-on vraiment faire pousser des plantes dans le sol lunaire ?

Des échantillons très précieux

A priori, nous pourrions imaginer que non. En effet, le régolithe lunaire n’a rien à voir avec les sols trouvés sur Terre, le premier étant pointu, abrasif et sans aucun élément organique. De plus, le sol lunaire implique certains états chimiques, comme ceux liés au fer, qui ne sont pas présents dans les sols terrestres. Pour ne rien arranger, ce sol est également rempli de minuscules éclats de verre volcanique et est continuellement bombardé de radiations.

Pour explorer la question, des chercheurs ont utilisé des échantillons collectés lors des missions Apollo 11, 12 et 17, entre 1969 et 1972. Mettre la main sur ces précieux matériaux n’a pas été simple. En travaillant avec un sol lunaire simulé, les scientifiques ont passé des années à essayer de déterminer la quantité minimale nécessaire pour mener à bien cette expérience. Après trois demandes officielles rejetées au cours des onze dernières années, la NASA a finalement accepté de leur céder douze grammes de régolithe pour leurs expériences.

Pour ces trois échantillons, les chercheurs ont tenté de cultiver de l’Arabette des dames (Arabidopsis thaliana). Il s’agit d’une petite plante à fleurs originaire d’Eurasie et d’Afrique. L’équipe a jeté son dévolu sur cette espèce, car son génome a été entièrement séquencé. Les fonctions de la plupart de ses gènes sont également bien comprises. Les chercheurs ont ainsi pu repérer les gènes spécifiques utilisés par la plante pour s’adapter physiologiquement à la croissance dans le régolithe lunaire. Et vu que cette plante est petite, ils ont pu la faire pousser dans un seul gramme de matériel placé à l’intérieur de puits de la taille d’un dé à coudre.

À titre de comparaison, les scientifiques ont également cultivé la même plante dans un type de sol lunaire simulé fabriqué à partir de cendres volcaniques trouvées sur Terre, appelé JSC-1A.

Que nous apprend l’étude ?

Toutes les plantes du sol lunaire ont poussé lentement et relativement mal. Cependant, celles cultivées dans les échantillons d’Apollo 1 ont le moins bien résisté. Ces échantillons étaient les plus « matures », ce qui signifie que ce sol avait été plus exposé à la surface lunaire.

Une analyse génétique a révélé que les plantes cultivées dans le sol lunaire exprimaient de nombreux gènes liés au stress salin et oxydatif. Dans le détail, les plantes Apollo 11 ont exprimé des changements dans 465 gènes, tandis que les plantes d’Apollo 12 et d’Apollo 14 ont exprimé 265 et 113 gènes respectivement à des taux différents, ceux d’Apollo 17 étant les moins matures. La plupart de ces changements étaient liés au stress. Les plantes qui semblaient les plus « dans le dur » (minuscules et de couleur rouge-noir) présentaient également le plus de changements génétiques associés au stress.

Ces résultats suggèrent ainsi que plus un sol est exposé à la surface lunaire, moins il est accepté par les plantes, ce qui peut être dû aux changements causés par l’exposition aux rayons cosmiques et au vent solaire. Si cela se confirme, le sol lunaire des parties les plus jeunes pourrait être plus efficace pour faire pousser des plantes saines.

Bien qu’elles soient rabougries et à croissance lente, les auteurs des travaux estiment que les aliments qu’elles produiront ne seront pas nécessairement nocifs pour les humains. Des travaux futurs seront toutefois nécessaires pour explorer leur valeur nutritionnelle.

Enfin, en comparaison, toutes les plantes cultivées dans les cendres volcaniques fabriquées en laboratoire ont poussé nettement plus vite et plus grosses que celles des sols lunaires. Il en ressort ainsi que le sol lunaire simulé n’est pas un substitut efficace malgré certaines similitudes, d’où l’importance de travailler avec de vrais échantillons.