Les perturbations du vortex polaire suivies en direct grâce à un satellite européen !

Crédits : ESA/ATG medialab.

Alors que le vortex polaire a subi de fortes perturbations en ce début d’année, le satellite européen Aeolus continue de récolter de précieuses données qui serviront à mieux comprendre les mécanismes responsables de ces secousses météorologiques. Aeolus est le premier satellite en orbite permettant de mesurer de façon directe les vents de la basse atmosphère.

Avec la mise en place de la nuit polaire, un vaste et puissant tourbillon d’air froid se forme chaque hiver au niveau des régions de hautes latitudes. Ce vortex saisonnier atteint sa pleine puissance dans la moyenne et haute stratosphère – une couche atmosphérique où les variations entre l’été et l’hiver sont plus prononcées que près de la surface. On l’appelle à ce titre vortex polaire ou vortex stratosphérique. La bande de forts vents d’ouest qui l’accompagne constitue quant à elle le courant-jet de la nuit polaire.

Des effusions de chaleur en plein cœur de l’hiver

Toutefois, bien qu’il s’agisse d’une structure typique de la stratosphère hivernale aux hautes latitudes, elle s’affaiblit parfois fortement et peut même finir par s’effacer. Ceci alors que nous nous trouvons toujours en pleine saison froide. La raison tient au fait que le vortex polaire est sujet à des instabilités dynamiques. Aussi, des ondes formées près de la surface se propagent de temps à autre jusqu’en stratosphère où elles perturbent violemment la circulation. Un peu comme si l’on exerçait un coup de frein brutal sur le tourbillon.

vortex stratosphère
SSW en début d’année 2018 au pôle nord. Le vortex se scinde en deux et ne tardera pas à s’effacer. Crédits : earth.nullschool.net.

Ce ralentissement provoque un réchauffement stratosphérique soudain (SSW pour l’acronyme anglais). La température s’élève alors de plusieurs dizaines de degrés en quelques jours, signant une rupture profonde ou totale du tourbillon polaire – dans ce cas, on parle de SSW majeur. Notons qu’il s’agit d’un phénomène naturel qui survient en moyenne une fois tous les 2 à 3 ans dans l’hémisphère nord. Il n’en reste pas moins que lorsqu’une telle perturbation se produit, elle tend à amener de profonds bouleversements météorologiques près de la surface. Citons entre autres des épisodes de froid et de neige à des latitudes anormalement basses.

Vortex polaire : un suivi en direct grâce à Aeolus

Lancé en août 2018, le satellite européen ADM-Aeolus permet d’observer en détail la dynamique du vortex polaire stratosphérique. Une tâche qui était encore il y a peu expérimentale car la mesure du vent depuis l’espace est notablement difficile. Grâce à Aeolus, les scientifiques disposent désormais d’une banque de données qui permettra de mieux comprendre les mécanismes complexes à l’œuvre dans les processus évoqués plus haut. La technique utilisée par Aeolus repose sur l’effet Doppler dû à l’interaction entre les impulsions ultraviolettes émises par le satellite et les molécules d’air qu’elles rencontrent.

Ci-dessous, le champ de vent observé en basse stratosphère entre le 1er novembre 2020 et le 1er février 2021. Aussi, notez comme le vortex évolue d’un état normal vers un état profondément déstructuré (zones en bleu).

« Les changements de la structure des vents lors d’un SSW n’ont jamais été observés directement à une échelle globale auparavant. Jusqu’à présent, notre compréhension de ces changements a été développée à l’aide de mesures ponctuelles, de mesures le long de trajectoires de vol d’aéronefs, grâce à l’utilisation d’observations de température et, principalement, de modèles informatiques et de réanalyses », explique Corwin Wright, chercheur à l’Université de Bath (Angleterre).

« Nous observons actuellement un événement de vortex polaire où nous le voyons se diviser en deux, avec une masse d’air en rotation au-dessus de l’Atlantique Nord et une au-dessus du Pacifique Nord », note la scientifique Anne Grete, en référence aux mouvements présents en stratosphère en ce début d’année. « La scission entraîne des changements dans la circulation troposphérique permettant aux masses d’air froid des pôles de s’échapper plus facilement vers des latitudes plus basses. (…) Ce que les scientifiques aimeraient également savoir est si les SSW peuvent devenir plus fréquents en raison du changement climatique. Aussi pour cela, les données d’Aeolus seront très importantes ».

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