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Les océans engloutissent la planète : 30 ans de données révèlent l’ampleur catastrophique du phénomène

Pendant trois décennies, les océans de notre planète ont secrètement gagné du terrain sur les continents. Une équipe de scientifiques de Hong Kong vient de déchiffrer ce processus invisible grâce à une technologie révolutionnaire, révélant des données alarmantes qui redéfinissent notre compréhension de la montée des eaux. Leurs conclusions, publiées dans les Actes de l’Académie nationale des sciences, exposent un mécanisme d’une ampleur insoupçonnée qui menace directement l’avenir de nos côtes.

Une surveillance spatiale inédite

L’Université polytechnique de Hong Kong a orchestré une prouesse technologique remarquable en détournant un outil géodésique traditionnel de sa fonction première. La télémétrie laser par satellite, initialement conçue pour mesurer les distances entre satellites et stations terrestres, a été métamorphosée en instrument de mesure climatique de précision.

Cette transformation représente un défi technique considérable. Les contraintes inhérentes à cette technologie – nombre limité de satellites, altitude élevée des appareils de mesure, résolution spatiale réduite – semblaient la condamner à demeurer un simple outil d’observation géographique. Pourtant, l’équipe dirigée par le professeur Jianli Chen a développé une approche innovante permettant de contourner ces limitations fondamentales.

Trente années de surveillance océanique

Entre 1993 et 2022, cette technologie réinventée a scruté minutieusement l’évolution de la masse océanique mondiale. Cette période d’observation, d’une durée exceptionnelle dans le domaine climatique, offre une perspective historique inestimable sur les transformations de notre système planétaire.

Les résultats de cette surveillance révèlent une progression inexorable du niveau marin à un rythme de 3,3 millimètres annuels. Cette valeur, apparemment modeste, masque une réalité autrement plus préoccupante lorsqu’elle est projetée sur plusieurs décennies.

Au total, les océans ont gagné 90 millimètres de hauteur supplémentaire sur cette période trentenaire, une élévation qui dépasse largement les fluctuations naturelles historiques et témoigne d’une transformation systémique de notre environnement.

niveau océans
L’équipe de recherche a mis en œuvre une technique innovante de modélisation prospective pour pallier les limitations de résolution spatiale de la télémétrie laser par satellite, permettant ainsi une surveillance à long terme des variations de la masse océanique mondiale. Crédit : Université polytechnique de Hong Kong

Les mécanismes cachés de la montée des eaux

La compréhension traditionnelle de l’élévation marine reposait sur un phénomène physique relativement simple : la dilatation thermique. Lorsque les océans absorbent l’excès de chaleur du système climatique terrestre – environ 90% de cette énergie supplémentaire – leur volume augmente mécaniquement.

Cependant, les observations hongkongaises bouleversent cette vision simpliste. Elles révèlent qu’une proportion massive de l’élévation océanique – 60% précisément – provient non pas de la dilatation de l’eau existante, mais de l’arrivée massive de nouvelles masses d’eau dans le système océanique mondial.

Cette découverte redéfinit fondamentalement notre compréhension des dynamiques climatiques en cours et souligne l’importance critique des processus de fonte des glaces terrestres.

L’accélération dramatique du phénomène

L’analyse temporelle des données révèle une évolution particulièrement inquiétante du processus. Jusqu’au milieu des années 2000, la dilatation thermique et l’augmentation de masse océanique contribuaient de manière relativement équilibrée à l’élévation du niveau marin.

Depuis 2005, cette dynamique a basculé de manière spectaculaire. L’augmentation de la masse océanique est devenue le moteur dominant du phénomène, traduisant une accélération dramatique de la fonte des glaces terrestres à l’échelle planétaire.

Le Groenland au cœur de la catastrophe

L’origine géographique de cette masse d’eau supplémentaire ne relève plus du mystère. Les analyses pointent directement vers les régions polaires, avec le Groenland en première ligne de cette fonte accélérée. Les calottes polaires et les glaciers de montagne contribuent ensemble à plus de 80% de l’augmentation totale de la masse océanique mondiale.

Cette contribution massive des glaces terrestres illustre concrètement les effets du réchauffement climatique sur les écosystèmes les plus vulnérables de notre planète, transformant d’immenses réservoirs de glace millénaire en contributeurs directs de l’élévation marine.

Des implications scientifiques majeures

Au-delà de son apport descriptif, cette recherche révolutionne les outils disponibles pour la surveillance climatique à long terme. Elle démontre que des technologies géodésiques traditionnelles peuvent être réinventées pour devenir des instruments d’observation climatique de première importance.

Ces données inédites sur trois décennies fournissent également une base empirique cruciale pour valider et affiner les modèles climatiques utilisés pour projeter les scénarios futurs d’élévation marine, renforçant considérablement notre capacité prédictive face aux défis environnementaux à venir.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.