Si la dernière génération de modèles a indéniablement progressé dans la représentation des champs nuageux moyens, elle le doit toutefois pour partie à une compensation d’erreurs portant sur la physique des nuages. C’est du moins ce que rapporte une étude publiée dans la revue Advances in Atmospheric Sciences ce 20 septembre.
Depuis la parution du premier rapport du Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat (GIEC) en 1990, la principale source d’incertitude dans les modélisations – pour un scénario socio-économique donné – réside dans la réponse des nuages à la perturbation induite par nos émissions de gaz à effet de serre.
Nuages et climat : des interactions multiples et variées
Par leur interaction avec le rayonnement solaire et le flux infrarouge terrestre, les nuages exercent une influence contrastée sur le bilan énergétique de la Terre. Si certains maintiennent le climat plus frais, d’autres participent au contraire à le réchauffer. Estimer la façon dont le changement climatique modifiera l’équilibre entre ces influences demande d’affronter une grande complexité.
En outre, les modèles climatiques ne permettent pas encore de résoudre les échelles spatiales les plus fines nécessaires à une bonne représentation de la physique nuageuse. Faute de mieux, des représentations simplifiées sont donc utilisées. On parle de paramétrisations.
Ces deux difficultés amènent un large éventail de résultats. Certains modèles calculent une amplification du réchauffement par les nuages, d’autres une influence neutre voire stabilisatrice. En résumé, les changements de couverture nuageuse peuvent tout aussi bien amortir les évolutions climatiques que les amplifier. On parle respectivement de rétroaction nuageuse négative et positive.
Une compensation d’erreurs qui assombrit la compréhension physique
Dans ce contexte, la communauté scientifique est particulièrement attentive à la façon dont les générations successives de modèles climatiques représentent les nuages. La dernière d’entre elles, fédérée à travers le sixième projet d’inter-comparaison des modèles couplés (CMIP6), a fait couler beaucoup d’encre. En effet, les modèles CMIP6 montrent une plus grande diversité de réponse des nuages, en particulier au niveau de l’océan Austral.
Il s’agit d’une région clé en raison de l’importante masse d’eau mise en jeu, de son atmosphère relativement pure et du rôle joué par les nuages en phase mixte, c’est-à-dire à la fois composés de gouttelettes d’eau et de particules de glace. Dans une nouvelle étude, un groupe de chercheurs a désormais mis en évidence l’existence de biais compensatoires portant sur la physique sous-jacente.
« Les biais liés aux nuages et aux rayonnements au-dessus de l’océan Austral ont été un problème de longue date dans les dernières générations de modèles climatiques mondiaux », souligne Yuan Wang, auteur principal de l’étude. « Ce travail met l’accent sur la compensation des erreurs dans les propriétés physiques des nuages en dépit d’une amélioration globale dans la simulation du rayonnement au-dessus de l’océan Austral ».
En somme, les progrès effectués sur la simulation des champs nuageux moyens résultent en partie d’une compensation d’erreurs. Pour ces raisons, toute évaluation reposant sur les propriétés physiques, comme la sensibilité climatique qui concrétise la quantité de réchauffement associée à un doublement de la teneur de l’atmosphère en CO2, montre un spectre de valeurs plus large. Ainsi, malgré un climat moyen plus réaliste, l’incertitude est augmentée.
« Nos futurs travaux viseront à identifier les paramétrisations responsables de ces biais », rapporte le chercheur. « J’espère que nous pourrons travailler en étroite collaboration avec les développeurs de modèles pour les résoudre. Après tout, le but ultime de toute étude d’évaluation de modèle est d’aider à améliorer ces modèles ».