Les « mouches pisseuses » catapultent leur urine à une vitesse folle

Homalodisca vitripennis mouche pisseuse urine
Crédit : Haviland et al 2021, Journal of Integrated Pest Management

Une étude révèle que les « mouches pisseuses » peuvent catapulter des gouttelettes d’urine à des vitesses ultra-rapides. Ce premier exemple connu de « superpropulsion » dans la nature aiderait les insectes à économiser de l’énergie quand vient l’heure de se soulager. Les détails de ces travaux sont publiés dans la revue Nature Communications.

Que sont les mouches pisseuses ?

La mouche pisseuse (Homalodisca vitripennis) est une espèce d’insectes hémiptères de la famille des Cicadellidae. Ne vous fiez pas à son surnom, cet insecte qui mesure entre 1,5 et 2 cm n’a rien d’une mouche. C’est un parent des cigales et des pucerons. Ce fameux surnom de « mouche pisseuse » lui vient en réalité du fait que cet insecte urine énormément.

Comme toutes les cicadelles, H. vitripennis se nourrit essentiellement de sève, privilégiant celle du xylème. Il s’agit de la partie ligneuse d’une plante qui fait remonter l’eau et les nutriments dissous des racines. Son régime, composé à 95% d’eau, est cependant très pauvre en nutriments. Ainsi, ces insectes doivent consommer énormément de sève pour en absorber suffisamment.

En conséquence, les « mouches pisseuses » urinent jusqu’à 300 fois leur poids corporel par jour. À titre de comparaison, les humains urinent environ un quarantième de leur poids corporel par jour.

Cela étant dit, une équipe dirigée par Saad Bhamla, biophysicien au Georgia Institute of Technology d’Atlanta, s’est récemment demandée si ces insectes avaient ou non développé des innovations intelligentes pour faire face à ce besoin constant d’uriner.

Un premier exemple de super-propulsion dans la nature

Pour ce faire, les chercheurs ont utilisé des vidéos à haute vitesse et la microscopie pour analyser le « stylet anal » de ces animaux. De ces observations, il est ressorti que H. vitripennis, au moment d’uriner, replie ce petit organe vers le bas pour permettre la formation d’une petite goutte. Lorsque celle-ci atteint une taille optimale, le stylet se plie encore davantage vers le bas puis catapulte la goutte qui accélère à plus de 40 G.

Homalodisca vitripennis urine
Une mouche pisseuse forme une gouttelette d’urine sur son stylet anal. Crédit : Institut de technologie de Géorgie

La découverte met donc en lumière un véritable effet de super-propulsion. Ce principe physique fondamental décrit le comportement tout à fait unique d’un objet élastique éjecté par une catapulte. Autrement dit, un objet déformable comme une goutte d’eau sera catapulté plus rapidement qu’une bille compacte grâce à un effet de résonance. En se déformant, la goutte peut en effet récupérer de l’énergie du balancement de la catapulte, se retrouvant alors projetée à une vitesse bien supérieure à celle d’un objet compact.

Ce phénomène n’avait été observé qu’en laboratoire jusqu’à présent, jamais dans la nature. C’est donc une première en biologie.

« On néglige souvent l’excrétion parce que c’est tabou ou idiot, mais c’est une fonction biologique essentielle qui a d’importantes implications énergétiques, écologiques et évolutives« , note Elio Challita, co-auteur de l’étude. « Ce qui a commencé comme une observation curieuse a finalement révélé le premier exemple de super-propulsion dans un organisme biologique. »

Pour comprendre pourquoi les mouches pisseuses privilégiaient le catapultage de gouttelettes d’urine au lieu de simplement les projeter sous forme de jets, les chercheurs ont utilisé des microscanners pour analyser l’anatomie des insectes. De cette manière, ils ont pu calculer la pression et l’énergie dont ces derniers avaient besoin pour uriner. Résultat, cet effet de super-propulsion exigeait quatre à huit fois moins d’énergie. L’évolution étant pragmatique, la nature a donc sélectionné ce trait particulier.