chiens carlins bouledogues
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Les meilleurs vétérinaires exhortent les amoureux des chiens à cesser d’adopter ces deux races

Les chiens à la petite frimousse toute ronde et aux nez écrasés, comme les carlins ou les bouledogues français, ont conquis le cœur de millions d’amoureux des animaux dans le monde. Leur allure souvent décrite comme « adorable » et leurs petites queues bouclées leur valent une popularité grandissante, à tel point que ces races sont devenues parmi les plus prisées. Pourtant, derrière cette façade « kawaï » se cache une réalité beaucoup plus sombre, que les vétérinaires et chercheurs tirent aujourd’hui la sonnette d’alarme.

Une esthétique lourde de conséquences pour la santé

La fameuse queue bouclée des carlins, par exemple, n’est pas qu’un simple charme : c’est un défaut génétique volontairement sélectionné qui, dans ses formes les plus graves, peut provoquer des paralysies. De même, le nez écrasé, devenu un critère de beauté chez ces chiens brachycéphales, est en réalité un véritable calvaire pour leur bien-être. Ce raccourcissement extrême des os du visage entraîne de nombreux problèmes respiratoires, rendant la vie de ces chiens souvent pénible.

Mais les conséquences ne s’arrêtent pas là. Ces animaux souffrent également de troubles alimentaires, de stress cardiovasculaire, de prolapsus oculaires (sortie anormale de l’œil), de surchauffe – un problème crucial puisque les chiens évacuent la chaleur principalement par la respiration –, d’encombrements dentaires, d’affaissement du palais mou et même de dermatites causées par les plis cutanés.

Malgré les interventions chirurgicales correctives et les traitements contre la douleur, ces soins ne sont que des pansements sur une problématique beaucoup plus profonde : la sélection génétique qui priorise l’apparence au détriment de la santé.

Le silence gêné des vétérinaires face à un marché lucratif

Cette réalité est souvent tue dans les cabinets vétérinaires, où les professionnels hésitent à dénoncer publiquement les dérives de l’élevage de ces races. Un vétérinaire britannique anonyme a ainsi confié au Guardian que s’il révélait « la vérité sur ces races », il risquerait de perdre une grande partie de sa clientèle au profit de confrères moins critiques. Ce silence, dicté par des raisons économiques, est un obstacle majeur pour faire évoluer les mentalités et les pratiques.

Face à ce constat, certaines institutions, comme l’Association vétérinaire britannique (BVA), ont décidé de prendre la parole. Cette année, la BVA a publié plusieurs recommandations pour alerter sur les dangers liés à l’achat et à l’élevage des chiens brachycéphales, encourageant le public à préférer des races ou des croisements plus sains.

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Les chiens croisés : une meilleure santé, un mythe ou une réalité ?

Dans ce débat souvent passionné, une idée largement répandue chez les éleveurs est que les chiens croisés seraient moins sujets aux maladies génétiques que les chiens de race pure. Cette affirmation a été longtemps contestée, mais une étude scientifique majeure réalisée en 2013 apporte des données précieuses.

En analysant les dossiers médicaux de plus de 27 000 chiens, les chercheurs ont comparé l’incidence de 24 maladies génétiques entre chiens croisés et chiens de race pure. Résultat : dix maladies génétiques étaient significativement plus fréquentes chez les chiens de race pure, une seule l’était plus chez les croisés, et pour les autres, la différence était minime. Ce travail souligne donc qu’adopter un chien croisé peut offrir une meilleure santé génétique dans bien des cas.

Quand la « mignonnerie » passe aussi par les chats…

Ce phénomène ne touche pas que les chiens. Sur internet, les chats avec des particularités physiques souvent liées à des handicaps génétiques font un carton. Des stars comme Lil Bub ou Grumpy Cat, bien que très aimées, souffraient de malformations : Lil Bub avait une mâchoire inférieure anormalement courte, une langue pendante et une ostéoporose sévère, tandis que Grumpy Cat souffrait de nanisme félin.

De nombreux autres chats célèbres présentent des anomalies telles qu’une déficience visuelle ou une absence d’arête nasale. Cela pose une question éthique fondamentale : faut-il aimer ces animaux pour ce qu’ils sont malgré leurs handicaps, ou encourager la reproduction intentionnelle de traits qui engendrent des souffrances ?

L’éthique derrière la sélection génétique

À l’heure où la « laideur mignonne » et la difformité deviennent des critères recherchés, certains spécialistes s’inquiètent d’une véritable « fétichisation » de l’étrange chez les animaux domestiques. Ce goût pour l’excentricité esthétique s’apparente parfois à un spectacle de « monstres victoriens », suscitant fascination mais au prix d’une vie souvent courte et douloureuse pour les animaux concernés.

La question est donc celle de la responsabilité humaine : doit-on continuer à créer et à faire prospérer des races porteuses de problèmes médicaux graves pour satisfaire une demande esthétique, ou faut-il privilégier la santé et le bien-être animal ?

Vers une prise de conscience nécessaire

Les vétérinaires, les associations de protection animale et de plus en plus de scientifiques appellent aujourd’hui à un changement profond dans la manière dont nous élevons et choisissons nos compagnons à quatre pattes. Choisir un chien ou un chat, c’est aussi choisir de soutenir des pratiques éthiques qui respectent la santé des animaux.

En évitant les races sujettes à de graves problèmes génétiques, en privilégiant les croisements et en refusant la mode des traits extrêmes, nous pouvons espérer offrir une meilleure qualité de vie à ces animaux, tout en rompant avec un cycle de souffrance trop longtemps ignoré.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.