Les méga-feux de 2019-2020 en Sibérie, simple accident ou avant-goût du futur ?

Incendies en République de Sakha le 20 juillet 2020. Crédits : SentinelHub.

La Sibérie connaît chaque été une saison des incendies. Toutefois, les brasiers survenus ces dernières années ont atteint des proportions exceptionnelles, les plaçant dans la catégorie des méga-feux. Dans quelle mesure le réchauffement climatique a-t-il contribué à leur apparition ? C’est la question posée par des chercheurs dans une étude parue dans Science ce 3 novembre.

Si les scientifiques se sont emparés du sujet, c’est parce que les sols gelés de Sibérie, et plus généralement du Grand Nord, renferment d’importantes quantités de carbone sous forme de matière organique. Si l’on sait que ces pergélisols se réchauffent rapidement, la survenue de méga-feux pourrait accélérer le dégel et le risque de voir ce carbone libéré sous forme de gaz à effet de serre dans l’atmosphère.

Au-delà de ce processus difficile à quantifier, les incendies génèrent leurs propres émissions de dioxyde de carbone qui tendent à amplifier le réchauffement climatique. Entre 2019 et 2020, elles sont évaluées à plus de 410 millions de tonnes, contrepartie des 4,7 millions d’hectares de tourbe sibérienne partis en fumée. Décrypter la dynamique de ces méga-feux est donc essentiel à plusieurs égards.

Une relation exponentielle entre température et surfaces brûlées

Les résultats obtenus par les scientifiques ne sont pas rassurants. En effet, après avoir passé en revue les observations satellitaires acquises entre 1982 et 2020, les chercheurs ont mis en évidence une relation exponentielle entre l’augmentation des températures dans la région et la surface carbonisée par les incendies. Si la température ne déclenche pas en tant que telle les brasiers, elle intervient comme un facteur aggravant qui croît rapidement avec le temps.

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Vue satellite d’incendies en République de Sakha (Sibérie) le 9 juillet. Crédits : Sentinelhub / Pierre Markuse.

Et pour cause, un mercure plus élevé en saison chaude, ce sont des sols souvent trop secs, un dégel et une végétation plus précoces, donc une meilleure disponibilité en combustible, des phénomènes orageux plus fréquents, capables de déclencher des départs d’incendies plus nombreux. « Ces anomalies de température augmentent les facteurs de risque de feux de forêts, de sorte que les conditions qui ont conduit aux incendies de 2019 et 2020 seront récurrentes dans l’Arctique d’ici à la fin du siècle », rapporte Adrià Descals, auteur principal de l’étude.

Vers des méga-feux routiniers d’ici à la fin du siècle

Les auteurs expliquent ainsi que le réchauffement climatique a déjà un impact considérable sur le régime des feux aux hautes latitudes. À la fois en augmentant la vulnérabilité de la végétation et des tourbes aux incendies, mais également en favorisant les processus déclencheurs, comme la foudre qui accompagne des orages de plus en plus fréquents. Au rythme actuel, des méga-incendies comme ceux de 2019-2020 deviendraient monnaie courante d’ici à 2100, avec tous les risques que l’ont peut craindre vis-à-vis des émissions de gaz à effet de serre.