Les glaciers situĆ©s Ć la pĆ©riphĆ©rie du Groenland sont littĆ©ralement attaquĆ©s par les deux bouts. En effet, de nouveaux travaux ont montrĆ© que les impacts liĆ©s au rĆ©chauffement de lāatmosphĆØre et de lāocĆ©an se renforƧaient mutuellement, illustrant la grande vulnĆ©rabilitĆ© des riviĆØres de glace. Les rĆ©sultats ont Ć©tĆ© publiĆ©s dans la revue Nature Geoscience le 3 octobre dernier.
La hausse des tempĆ©ratures de lāair augmente la fonte de surface sur une large partie de la calotte groenlandaise. Or, cette eau de fonte s’infiltre via des crevasses et ressurgit en mer par les langues terminales des glaciers Ć©missaires. LĆ , elle favorise le mĆ©lange ocĆ©anique et vient concentrer les eaux plus chaudes Ć la base des glaciers. Aussi, la fonte sous-marine est renforcĆ©e, ce qui diminue leur Ć©paisseur et favorise plus de fonte en surface. En somme, un cercle vicieux.
Pour bien comprendre, Donald A. Slater, auteur principal de l’Ć©tude, illustre le phĆ©nomĆØne en prenant l’exemple de glaƧons dans un verre d’eau. Ā« Les glaƧons fondront Ć©videmment plus vite dans une boisson chaude que dans une boisson froide, et les bords de la calotte du Groenland fondent plus vite si l’ocĆ©an est plus chaud Ā», explique-t-il. Ā« Mais les glaƧons de la boisson fondront Ć©galement plus vite si vous la remuez, et la hausse des tempĆ©ratures de l’air au Groenland induit effectivement une agitation de l’ocĆ©an prĆØs de la calotte, provoquant une fonte plus rapide Ā».
Fonte sous-marine des glaciers et rĆ©chauffement de lāair, un lien sous-estimĆ©
Dans leur Ć©tude, les chercheurs ont quantifiĆ© la part respective du rĆ©chauffement de l’air et de l’eau sur la fonte basale, cāest-Ć -dire la fonte des glaciers par le dessous. Le rĆ©sultat, plutĆ“t inattendu, est que le rĆ©chauffement de lāair joue un rĆ“le Ć peu prĆØs aussi important que celui de lāocĆ©an. Cette contribution est particuliĆØrement prĆ©gnante au nord-ouest du Groenland. Sans elle, le recul des glaciers dĆ» Ć la fonte sous-marine aurait Ć©tĆ© rĆ©duit dāun tiers Ć l’Ć©chelle de l’Ć®le entre 1978 et 2018.
« Cela s’ajoute malheureusement Ć l’Ć©crasante masse de preuves montrant la sensibilitĆ© de la calotte glaciaire du Groenland au changement climatique, d’où le besoin d’une action urgente pour rĆ©duire les Ć©missions de gaz Ć effet de serre Ā», relate Donald A. Slater. L’ocĆ©an ne joue un rĆ“le dominant qu’au sud et au centre-ouest du territoire, lĆ où le rĆ“le amplificateur de l’atmosphĆØre n’est que modĆ©rĆ©ment Ć l’Åuvre.
Pour la calotte dans son ensemble, Ā« l’atmosphĆØre joue un rĆ“le de premier ordre dans le contrĆ“le de la fonte sous-marine et la perte de masse qui en rĆ©sulte Ā», rapporte lāĆ©tude dans son rĆ©sumĆ©. « Nos rĆ©sultats remettent en question l’attribution de la perte de masse dynamique au seul rĆ©chauffement de l’ocĆ©an et montrent qu’un rĆ©chauffement de l’atmosphĆØre a amplifiĆ© l’impact de l’ocĆ©an sur la calotte glaciaire du GroenlandĀ Ā».