Les gens les plus éduqués sont aussi ceux qui rejettent le plus la réalité

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Nous avons souvent tendance à voir l’éducation comme une influence positive, qui nous permet d’examiner l’information de façon plus critique, et de nous immuniser contre la désinformation. Deux chercheurs de l’Université du Kansas, Mark Joslyn et Donald Haider-Markel montrent que c’est un outil à double tranchant, et que les biais partisans sont dans certains cas renforcés par un haut niveau d’éducation.

Ils se sont intéressés au public étasunien, en interrogeant des démocrates et des républicains sur la Guerre d’Irak, l’évolution et le réchauffement climatique. Ces sujets sont extrêmement politisés aux États-Unis, bien qu’il existe des données empiriques claires dans les trois cas, à savoir l’absence d’armes de destruction massives en Irak et de lien entre Saddam Hussein et Al-Qaida, la réduction de la violence dans le pays après l’offensive de 2007, et bien entendu la réalité du réchauffement climatique et de l’évolution des espèces.

Dans le cas de la guerre d’Irak, les démocrates ont eu plus de faits justes sur les points les plus gênants pour l’administration Bush, comme l’absence d’armes de destruction massive ou de lien entre Saddam Hussein et Al-Qaida. Le niveau d’éducation a eu une influence positive sur leur capacité à répondre juste, et les démocrates les plus éduqués sont aussi ceux qui ont été les plus capables de citer les erreurs de l’administration Bush. Ces mêmes démocrates ont par contre été incapables de citer les effets positifs associés à l’offensive de 2007 indépendamment de leur niveau d’éducation. La réduction de la violence dans le pays suite à l’offensive fait pourtant largement consensus en sciences politiques (avant l’offensive de Daesh).

Pour les républicains, l’opposé est vrai : le niveau d’éducation n’avait un bénéfice que pour l’acceptation des faits alignés avec l’idéologie du groupe politique. Les bénéfices de l’offensive ont donc été mieux reconnus par les individus les plus éduqués, qui ont par contre échoué à admettre la vérité sur les armes de destruction massive et les liens terroriste, quel que soit leur niveau d’éducation.

La tendance se répète avec la théorie de l’évolution. Les républicains comme les démocrates ont tendance à mieux accepter le consensus scientifique quant à l’origine biologique des humains à mesure que leur niveau d’éducation augmente. Mais l’effet est bien moins grand chez les républicains. Dans leur cas, les chercheurs estiment que l’appartenance politique est un facteur trois fois plus important que le niveau d’éducation quand il s’agit d’admettre la science dans ce domaine.

Mais les observations les plus spectaculaires ont été faites avec le réchauffement climatique. Environ 70 % du public étasunien rejoins les 97 % de climatologues qui avancent que la planète se réchauffe à cause des activités humaines, et les sujets interrogés par les chercheurs suivaient cette tendance. Leur alignement avec le consensus scientifique était même indépendant de leur bord politique pour les moins éduqués d’entre eux. Mais, à meure que le niveau d’éducation augmente, si les démocrates sont plus à même d’accepter la réalité, la proportion de républicains alignés avec les résultats de la science du climat diminue.

Au final, l’éducation a un effet plutôt positif, et les participants à l’étude ont eu globalement, 70 % de bonnes réponses. Mais les désaccords sur des sujets factuels politisés tendent à augmenter avec le niveau d’éducation. Dans le cas du climat, le niveau d’éducation a même un effet négatif sur la compréhension du sujet, en augmentant la proportion de dénialistes chez les conservateurs.

Ce dernier fait est en lui même particulièrement inquiétant. Le réchauffement climatique est une des grandes menaces qui pèsent sur la civilisation, ce qui fait du « climato-scepticisme » une des plus dangereuses pseudosciences actuelles.

Source : Politics & Policy