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Les fourmis ont envahi la majeure partie du monde, à l’exception de ces quelques (rares) endroits !

Elles sont minuscules, mais leur pouvoir collectif est gigantesque. Les fourmis, présentes presque partout sur la planète, forment l’un des groupes d’animaux les plus abondants et influents du globe. Pourtant, malgré leur omniprésence, certains territoires leur résistent encore. Que nous apprennent ces zones d’ombre sur l’histoire et l’adaptation exceptionnelle de ces insectes sociaux ?

20 quadrillions de fourmis sur Terre

La première question est évidente : combien y a-t-il de fourmis dans le monde ? En 2022, une équipe de chercheurs a proposé une estimation impressionnante : 20 quadrillions d’individus. Ce chiffre vertigineux dépasse la biomasse combinée de tous les oiseaux et mammifères sauvages, et représente environ 20 % de la biomasse humaine.

Cette évaluation s’appuie sur plus de 500 études menées dans différents écosystèmes, des savanes tropicales aux forêts humides. Mais les auteurs reconnaissent que leur approche reste prudente : elle ne prend pas en compte les fourmis qui restent cachées dans les nids, ni celles qui habitent des régions encore peu étudiées, comme les forêts boréales. Autrement dit, le nombre réel de fourmis pourrait être bien plus élevé.

Des bastions tropicaux

Les fourmis ne se répartissent pas uniformément à travers le monde. Près des deux tiers de la population mondiale se concentrent dans les zones tropicales et subtropicales, en particulier dans les forêts humides et les savanes.

Les chercheurs ont observé que la densité varie fortement selon les habitats. Dans les forêts, le nombre de fourmis vivant dans la litière de feuilles mortes est quatre fois plus élevé que dans les zones arbustives. À l’inverse, les fourmis qui se nourrissent au sol sont particulièrement nombreuses dans les régions arides. Ces contrastes révèlent une grande capacité d’adaptation, mais aussi une dépendance aux caractéristiques locales de chaque écosystème.

Les territoires qui échappent aux fourmis

Malgré leur impressionnante expansion, les fourmis ne sont pas totalement universelles. Elles brillent par leur absence dans certains environnements extrêmes ou isolés. L’Antarctique reste le seul continent totalement dépourvu d’espèces de fourmis. On n’en trouve pas non plus d’espèces indigènes en Islande, au Groenland, dans certaines parties de la Polynésie orientale et sur quelques îles très reculées.

Ces exceptions confirment que, si les fourmis ont un potentiel d’adaptation remarquable, elles rencontrent des limites là où les conditions climatiques ou l’isolement géographique sont trop contraignants.

fourmis
Crédits : Salmen Bejaoui/Unsplash

Une histoire évolutive étroitement liée aux plantes

Comment expliquer une telle domination écologique ? Les fourmis doivent en grande partie leur succès à leur co-évolution avec les plantes. Des recherches publiées en 2023 ont montré qu’au cours des 60 derniers millions d’années, ces insectes ont accompagné les changements majeurs de la végétation terrestre.

Lorsque certaines plantes ont commencé à relâcher plus de vapeur d’eau par leurs feuilles, l’humidité des forêts a augmenté, créant des environnements favorables aux fourmis. Celles-ci ont alors déplacé leurs nids, longtemps cantonnés au sol, vers les arbres. Plus tard, quand les plantes à fleurs ont colonisé des régions plus sèches, les fourmis ont suivi ce mouvement, entraînant une diversification spectaculaire.

Ce partenariat évolutif illustre la manière dont un groupe d’insectes relativement discret a pu se hisser parmi les organismes les plus dominants de la planète.

Un monde sous nos pieds

Aujourd’hui, plus de 15 700 espèces et sous-espèces de fourmis sont répertoriées. Chacune a trouvé sa niche, qu’il s’agisse de forêts tropicales luxuriantes, de déserts arides ou même de nos jardins et habitations. Pourtant, malgré leur proximité quotidienne avec l’être humain, la connaissance de leur biodiversité reste incomplète. De vastes régions du globe n’ont pas encore été correctement étudiées, laissant penser que de nombreuses espèces restent à découvrir.

Les fourmis, souvent perçues comme de simples nuisibles ou comme des modèles d’organisation sociale, sont en réalité bien plus que cela. Elles constituent une clé de compréhension de l’histoire évolutive de la vie sur Terre et un indicateur précieux de la santé des écosystèmes.

Une domination presque totale

De la taille d’un grain de riz, mais en nombre inimaginable, les fourmis rappellent que la puissance dans la nature ne se mesure pas toujours à l’échelle individuelle. Leur organisation collective, leur capacité d’adaptation et leur histoire partagée avec les plantes en font de véritables architectes invisibles de la biosphère.

Elles sont partout, ou presque. Et si certains territoires échappent encore à leur emprise, ces absences sont autant de rappels de la complexité du monde vivant. En comprenant comment les fourmis ont conquis la planète, nous découvrons aussi un peu mieux les forces discrètes qui façonnent notre environnement.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.