Les forêts tropicales pourraient devenir plus sombres à cause du changement climatique

forêt sombre
Crédits : Flickr

Un climat plus chaud pourrait conduire à un assombrissement des forêts tropicales, selon une étude publiée dans la revue Nature ecology & evolution. La quantité de rayonnement solaire réfléchie vers l’espace en serait amoindrie, provoquant un réchauffement additionnel des températures. Actuellement, ce processus amplificateur est probablement encore en dormance, car masqué par l’augmentation locale de la couverture nuageuse – un équilibre qui ne devrait malheureusement pas durer.

La température moyenne aux tropiques s’est réchauffée à un rythme d’environ 0,25 °C par décennie depuis les années 1970. Les régimes de précipitations ont subi des modifications localement marquées, et la concentration atmosphérique en dioxyde de carbone (CO²) a continué de grimper à un rythme effréné. En bref, le climat change et les conséquences de ce changement sont diverses et variées. Au niveau du monde tropical, la réaction des grandes forêts est d’un intérêt tout particulier. Ce vaste biome présente en effet une richesse écosystémique importante et une sensibilité qui l’est tout autant – l’impact du changement climatique s’y matérialise donc assez rapidement.

Par ailleurs, les forêts tropicales sont une composante clé du système Terre. Elles jouent par exemple un rôle majeur dans l’albédo de notre planète – c’est-à-dire son pouvoir réfléchissant. À cause de la déforestation qui met à nu les sols, la proportion d’énergie solaire réfléchie a augmenté au cours des dernières décennies, en particulier à l’est de l’Amérique du Sud. Cette perturbation s’est fait ressentir sur le climat local, notamment en ce qui concerne le cycle hydrologique. En outre, le cycle du carbone est activement contrôlé par l’évolution de ces écosystèmes qui en stockent d’énormes quantités, fixé dans la biomasse. Leur dégradation se solderait par une dérégulation marquée des flux de carbone vers l’atmosphère – une tendance déjà en marche.

Les forêts tropicales du futur : des feuilles plus fines et plus sombres ?

À ce jour, de nombreuses modulations dans la dynamique des forêts tropicales ont été mises en évidence dans le contexte du réchauffement planétaire. Cela n’a toutefois pas empêché des chercheurs de la Northern Arizona Univesity (États-Unis) de proposer un nouveau processus par lequel la végétation pourrait tenter de s’adapter à un environnement en cours de transition rapide. En examinant plusieurs milliers de feuilles prélevées sur des arbres au Pérou, ils ont conclu que celles-ci deviennent de plus en plus minces et foncées à mesure que la température augmente – i.e. à mesure que l’on se dirige vers les altitudes les plus basses. La parcelle de végétation étudiée s’étend en effet sur plus de 3000 mètres d’altitude.

canopée
Crédits : NASA/JPL-Caltech.

Sur la base de ces observations, les scientifiques concluent que la hausse future des températures conduirait probablement à des feuilles moins épaisses, mais absorbant plus d’énergie solaire, d’où leur couleur plus foncée. L’albédo de la canopée des forêts tropicales serait ainsi orienté à la baisse. « Cela a d’importantes implications pour le climat, car une plus grande absorption d’énergie entraînerait probablement un réchauffement accru dans un monde déjà chaud », précise Christopher E. Doughty, auteur principal de l’étude. Afin d’évaluer cette éventualité, les auteurs ont utilisé un modèle climatique global en y prescrivant des surfaces continentales plus foncées dans les zones concernées. De façon surprenante, il apparaît que deux processus sont en concurrence.

En plus de l’effet direct mentionné précédemment, il se produit une hausse du flux de vapeur d’eau vers l’atmosphère, ce qui augmente la couverture nuageuse locale. Or, les nuages étant de très bons réflecteurs, moins d’énergie est absorbée par le système. « À mesure que les feuilles s’assombrissent, l’atmosphère devient plus réfléchissante », indique l’auteur principal.

Pour les concentrations de CO² actuelles, les deux effets se compensent et la résultante est quasiment neutre. Cependant, à mesure que la quantité de CO² s’élève et que le climat se réchauffe, de moins en moins d’énergie est utilisée pour l’évaporation et la formation subséquente de nuages. L’effet direct devient donc prépondérant et conduit à un réchauffement additionnel du climat, du moins dans les modélisations. Un nouveau mécanisme – à l’évidence encore en dormance – qu’il conviendra d’évaluer plus précisément dans de futures études.

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