flamants roses
Crédits : robru/Istock

Les flamants roses ne filtrent pas leur nourriture : ils chassent avec une technique digne d’un ingénieur hydraulique

Pendant des années, on a imaginé les flamants roses comme des créatures tranquilles, filtrant passivement leur nourriture dans les eaux peu profondes. Une nouvelle étude vient pourtant balayer cette idée : les flamants seraient en réalité de véritables prédateurs hydrodynamiques, capables de créer des tourbillons complexes pour piéger leurs proies. Un comportement fascinant, aux applications inattendues, notamment pour lutter contre les microplastiques.

Une simple visite au zoo, un déclic scientifique

Tout commence au zoo d’Atlanta. Le biologiste Victor Ortega Jiménez, de l’Université de Californie à Berkeley, observe les ondulations à la surface de l’eau dans l’enclos des flamants roses. Ce qu’il voit ne colle pas avec ce qu’on sait de leur alimentation. Il soupçonne que quelque chose d’invisible se joue sous la surface.

Son intuition le pousse à initier une vaste recherche interdisciplinaire, mêlant biologie, modélisation informatique et impression 3D. Résultat : les flamants roses ne se contentent pas de filtrer l’eau, ils manipulent activement leur environnement pour concentrer la nourriture vers leur bec.

Des vortex pour attirer la proie

L’étude, publiée dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences, révèle une stratégie étonnante : les flamants génèrent des tourbillons d’eau (ou vortex) grâce à la combinaison de plusieurs éléments de leur anatomie :

  • Leurs pattes palmées remuent le fond de l’eau de manière spécifique. En écartant les pattes vers le bas et en repliant les palmes vers le haut, ils provoquent un mouvement qui soulève les sédiments riches en micro-organismes.

  • Leur bec en forme de L, orienté vers le bas, crée un second tourbillon qui aspire l’eau (et la nourriture) directement vers l’ouverture buccale.

  • Enfin, le mouvement de claquement rapide du bec inférieur, pendant que le bec supérieur reste posé au fond, crée une série de micro-vortex latéraux qui recirculent les particules vers la bouche.

Selon les tests effectués avec des répliques imprimées en 3D, ce dernier mouvement à lui seul peut multiplier par sept l’efficacité de capture des proies.

Une technique ultra-spécialisée… et contagieuse

Les flamants roses, souvent perçus comme maladroits, s’avèrent être des machines alimentaires redoutablement efficaces, alliant coordination, adaptation morphologique et stratégie comportementale.

Mieux encore, d’autres espèces profitent de leur génie hydraulique. Des oiseaux comme les phalaropes de Wilson doublent leur propre consommation de nourriture en se nourrissant à proximité des flamants du Chili, bénéficiant des turbulences créées par ces derniers.

flamants roses

Crédit : iStock

Crédits : jokuephotography/istock

Des applications inspirées par la nature

Ce comportement n’est pas qu’une curiosité zoologique : il ouvre des pistes pour la science appliquée. Ortega Jiménez pense que cette technique de concentration de particules dans l’eau pourrait inspirer des dispositifs de filtration, par exemple pour piéger les microplastiques ou les polluants.

Et ce n’est qu’un début. Le chercheur veut désormais étudier la langue puissante du flamant, capable de fonctionner comme un piston, et les lamelles de son bec, qui jouent un rôle semblable à celui des fanons des baleines, pour filtrer la matière organique.

Et si d’autres animaux faisaient la même chose ?

La découverte soulève une question intrigante : les flamants sont-ils seuls à employer ce genre de tactique ? Ortega Jiménez soupçonne que certaines baleines, notamment les franches australes, pourraient utiliser des mécanismes similaires pour capturer du plancton près du fond marin. Une hypothèse qui, si elle se confirme, renforcerait encore l’idée que la chasse par vortex est une stratégie répandue mais méconnue dans le monde animal.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.