Les excréments fossiles, comme le vomi, méritent aussi notre attention

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Crédits : Caleb Gordon

Les squelettes fossiles nous en disent long sur les espèces disparues, mais les traces de leurs activités biologiques sont tout aussi importantes.

Nous pouvons être facilement émerveillés par la découverte d’un crâne de T-Rex ou par l’extraction de l’humérus d’un brachiosaure, mais n’oublions pas les ichnofossiles qui, par leur nature, peuvent nous dévoiler des « instantanés » très précis des écosystèmes passés. Nous parlons ici des traces d’activités biologiques, telles que les déjections.

De petits excréments libérés il y a 50 000 ans

Deux études publiées ce mois-ci nous révèlent de nouvelles découvertes passionnantes d’ichnofossiles. Le première, détaillée dans la revue Scientific Reports, rapporte l’analyse des tout premiers coprolites (excréments fossilisés) découverts aux La Brea Tar Pits, un gisement du Pléistocène supérieur retrouvé à Los Angeles (États-Unis).

Ces excréments, peut-on lire, avaient d’abord été considérés comme de simples déjections de rongeurs modernes habitués à fréquenter le site. Une étude approfondie de ces restes, menée par les paléontologues Laura Tewksbury et Karin Rice, a cependant révélé qu’il s’agissait en réalité de restes d’anciens rats du genre Neotoma qui avaient élu domicile ici-même il y a environ 50 000 ans. Les analyses ont également révélé que ces derniers se nourrissaient de plantes C3 (qui convertissent le CO2 en un composé à 3 carbones).

La découverte est importante, dans la mesure où c’est la toute première fois que des coprolithes sont retrouvés préservés dans ce que nous appelons une fosse à bitume. Des excréments d’animaux morts noyés dans l’asphalte naturel ont déjà été retrouvés, mais jamais leurs déjections fossilisées (jusqu’à présent). Autrement dit, nous savons désormais qu’une telle préservation est possible. De quoi inciter les paléontologues à enquêter sur d’autres sites de ce type à travers le monde.

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La figure (A) nous montre les coprolites encore maintenus dans l’asphalte et les sédiments environnants. La figure (B) nous montre les granulés avec du matériel végétal. Enfin la figure (C) nous montre les coprolites isolés et nettoyés. Crédits : Scientific Reports

Les restes « vomis » d’un archosaure

La seconde étude, publiée dans la revue Palaios, nous projette cette fois 200 millions d’années en arrière. L’analyse d’un fossile énigmatique, découvert par le paléontologue Zachary Lavender en 2010 dans le Parc national de la forêt pétrifiée (Arizona) vient de révéler qu’il s’agissait de restes vomis (régurgitalite) par un ancien reptile.

Les auteurs ont déterminé que la masse d’os contenue à l’intérieur du fossile (visible sur la photo d’en-tête) appartenait jadis à un spécimen de Revueltosaurus. Cet archosaure pseudosuchien, qui évoluait sur Terre il y a 200 millions d’années, pouvait mesurer jusqu’à un mètre de long.

Les chercheurs sont certains qu’il s’agit de restes régurgités et non de matières fécales dans la mesure où les coprolithes sont connus pour contenir beaucoup de phosphate (et ce fossile était pauvre en phosphate). Certains tissus musculaires ont également survécu, ce qui suggère que ces restes n’ont pas complètement traversé le système digestif de l’animal.

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Illustration d’artiste de la mystérieuse créature en train de rendre une partie de son repas. Crédits : Brian Roach

« De nos jours beaucoup d’animaux régurgitent les parties indigestes ou indésirables de leurs repas, comme les os ou la fourrure. Cela inclut certains oiseaux, crocodiles, lézards, et même certains poissons et lions de mer, écrivent les chercheurs. En fonction de l’emplacement de ces animaux vivants sur l’arbre phylogénétique, nous prédisons que de nombreux groupes d’animaux disparus produisaient également des granules gastriques ».

Concernant l’assaillant, les chercheurs n’ont pas de certitude, mais il pourrait s’agir d’un phytosaure ou d’un reptile rauisuchien proche des actuels crocodiles.

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