Une technologie développée par la DARPA, dans laquelle des insectes seraient utilisés pour modifier génétiquement des cultures, pourrait être convertie en une arme biologique, accuse un groupe de chercheurs dans une tribune publiée dans la revue Science.
Sécheresse, maladies, inondations… Les cultures du monde sont de plus en plus menacées par les effets du réchauffement climatique. Pour pallier au problème, la DARPA (Defence Advanced Research Projects Agency) envisage des cultures plus résilientes. Et pour ce faire, l’agence américaine compte s’appuyer sur une flotte d’insectes génétiquement modifiés capables de transmettre de nouveau des « virus » pour modifier les gènes des cultures concernées. Les insectes pourraient ensuite être manipulés de manière à mourir au bout d’un jour. Mais ce projet radical inquiète – notamment cinq chercheurs experts en biologie, en maladies infectieuses, en génétique et en droit.
« Nous sommes d’avis que les connaissances à tirer de ce programme semblent très limitées dans sa capacité à améliorer l’agriculture américaine ou à faire face aux urgences nationales, écrit dans son rapport l’équipe de chercheurs menée par le docteur R.G. Reeves, du département de génétique évolutionnaire de l’Institut Max Planck (Allemagne). Ce programme peut être largement perçu comme un effort de développement d’agents biologiques à des fins hostiles et de leurs vecteurs, qui, s’ils sont vrais, constitueraient une violation de la Convention sur les armes biologiques (BWC) ».
Si d’un côté la DARPA souligne la potentielle efficacité et la praticité d’un tel programme, le docteur Reeves et ses collègues craignent de leur côté le développement des insectes génétiquement modifiés vecteurs de maladies. Ils pourraient soit être manipulés à d’autres fins (armes biologiques), soit échapper au contrôle des autorités américaines. Et dans les deux cas, les conséquences pourraient être désastreuses, motivant des pays rivaux à développer des programmes similaires.
De son côté, Blake Bextine, responsable du programme DARPA, rejette ces allégations : « La DARPA ne fabrique pas d’armes biologiques et nous rejetons le scénario hypothétique, explique-t-il à Gizmodo. Nous comprenons les préoccupations relatives à la double utilisation potentielle de la technologie, un problème qui concerne pratiquement toutes les nouvelles technologies puissantes. C’est précisément pour ces raisons que nous avons structuré le programme Insect Allies comme nous l’avons fait, en tant qu’effort de recherche fondamental transparent mené par une université, bénéficiant de la participation active des organismes de réglementation et des éthiciens et d’une communication proactive avec les décideurs ».
En attendant, les essais ont déjà commencé. Un financement de 27 millions de dollars étalé sur 4 ans a été attribué il y a quelques mois dans le but de développer des pucerons et des cicadelles porteurs de virus, susceptibles d’agir sur le maïs. Pour l’heure, tout se passe en laboratoire. Les responsables assurent « qu’aucun virus, insecte ou plante génétiquement modifiés ne seront relâchés dans l’environnement dans le cadre de cette étude ».
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