Plusieurs études publiées ce début octobre par des chercheurs de l’Université anglaise de Lancaster révèlent que les émissions de CO2 consécutives aux feux de forêt en Amazonie seraient jusqu’à 4 fois plus élevées que ce qui était estimé jusqu’à présent. De plus, les observations de terrain indiquent que cette perte nette de carbone vers l’atmosphère met plusieurs décennies à se résorber. Des nouvelles peu engageantes quand on sait que l’Amazonie devrait continuer de s’assécher à mesure que le changement climatique s’accentue.
Ce 8 octobre, plusieurs études ont été publiées à propos de la réaction des forêts tropicales et du cycle du carbone aux sécheresses et incendies. Dans un premier temps, les chercheurs ont étudié l’impact de l’épisode majeur d’El-Niño qui s’est manifesté en 2015-2016, à l’origine de grands bouleversements dans le cycle tropical de l’eau. L’étude s’est concentrée sur une région située dans la partie brésilienne de la forêt amazonienne, qui connaissait alors ses pires incendies depuis plusieurs décennies. La zone étudiée recouvre 6,5 millions d’hectares, dont 1 million est parti en fumée durant cet épisode.
L’occurrence de ces extrêmes climatiques s’explique par le fait qu’au cours d’un événement El-Niño, l’Amazonie – mais pas que – est soumise à un déficit de précipitations, car toute la circulation atmosphérique de la bande tropicale est perturbée. Les grands pôles de convection orageuse s’éloignent de leur position climatologique en causant des inondations ou des sécheresses suivant les lieux, lesquelles peuvent rapidement devenir catastrophiques.
L’analyse a permis de mettre en avant la fait que « les incendies incontrôlés qui se produisent dans les forêts tropicales humides lors des épisodes de sécheresses intenses sont une source importante mais mal quantifiée de dioxyde de carbone (CO2) pour l’atmosphère », selon l’auteur principal Kieran Withey. Rien que le million d’hectares ravagé par le feu sur le site d’étude a libéré près de 30 millions de tonnes de CO2 dans l’air, alors que cette surface ne représente que 0,7 % de celle du Brésil. Cela correspond à un déstockage de carbone équivalent à 6 % des émissions totales de CO2 du pays pour l’année 2014 ! Ces valeurs sont jusqu’à 4 fois supérieures aux estimations fournies jusqu’à présent par les bases de données globales.
Dans la continuité des résultats obtenus précédemment, une seconde étude basée sur des mesures de terrain a mis en évidence le fait que les arbres ayant survécu au passage du feu sont par la suite sujets à un taux de croissance beaucoup plus élevé que celui des forêts frappées par la sécheresse – mais pas par les incendies. Une différence qui s’échelonne en moyenne à près de 250 % ! Cependant, les arbres qui « échappent » aux flammes ne sont pas nombreux, et la modulation de la croissance qui en découle est loin de compenser la perte massive de carbone engendrée par la combustion de la biomasse.
Enfin, la troisième étude de cette série a examiné d’autres parcelles forestières amazoniennes, plus anciennes. Elle a révélé que même 30 ans après un incendie majeur, l’écosystème contenait toujours moins de carbone par rapport à ceux des environs qui n’ont pas été ravagés par le feu – un déficit moyen se chiffrant à 25 %. « Les incendies dans les forêts tropicales humides peuvent réduire considérablement la biomasse forestière pendant plusieurs décennies en augmentant le taux de mortalité des arbres possédant un bois très dense, lesquels stockent la plus grande quantité de biomasse dans les forêts anciennes », a déclaré Camila V. J. Silva, auteure principale de l’étude.
« Avec les modèles climatiques prévoyant un avenir plus chaud et plus sec pour le bassin amazonien, les incendies de forêt vont probablement se généraliser », précise Erika Berenguer, auteure principale de la seconde étude. Ainsi, les incendies de grande ampleur et les émissions de CO2 associées risquent de devenir un sujet de préoccupation majeure des prochaines décennies. Il faut donc prendre ce dossier en compte de toute urgence dans les politiques climatiques.
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