Les plus anciennes gravures « intentionnelles » d’Europe ne sont pas l’oeuvre d’Homo Sapiens

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Crédits : Kristina Thomsen/istock

Découvertes dans une grotte française scellée pendant des dizaines de milliers d’années, les plus anciennes gravures connues en Europe n’ont probablement pas été réalisées par des humains modernes, mais plutôt par des Néandertaliens. 

Une grotte exceptionnelle

Vous retrouverez la grotte de La Roche-Cotard en France, sur les rives de la Loire, près du village de Langeais. Scellé par des sédiments jusqu’à la fin du 19e siècle, le site est connu pour ses importants vestiges archéologiques et paléontologiques qui ont révélé des informations précieuses sur l’histoire de la région. Nous savons en effet que les lieux ont été occupés par des populations préhistoriques il y a plusieurs dizaines de milliers d’années, comme en témoigne la découverte d’outils en pierre, d’ossements d’animaux et de restes d’habitations.

L’une des découvertes les plus importantes de la grotte de La Roche-Cotard est également la présence de gravures pariétales isolées sur les parois rocheuses, mais qui en est à l’origine ? Pendant des décennies, les chercheurs ont pensé que ces créations étaient caractéristiques du comportement humain moderne. Après tout, Homo sapiens est par exemple crédité d’un dessin de cochon vieux de 45 500 ans en Indonésie et même d’un en Afrique du Sud. Cependant, les chercheurs ont récemment mis au jour des exemples plus anciens d’objets et d’art non utilitaires en Europe et dans d’autres régions du monde créés non pas par nos ancêtres, mais par Neandertal.

En ce qui concerne la grotte de La Roche-Cotard, les anthropologues ont isolé au moins huit panneaux représentant plus de 400 traces de lignes et de points abstraits. Elles sont considérées comme des « gravures » dans la mesure où elles représentent un enlèvement délibéré de matière.

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Exemples de gravures découvertes dans la grotte de Roche-Cotard. Crédits : Jean-Claude Marquet

Des gravures intentionnelles de nos proches cousins

Pour comprendre comment et par qui ces gravures ont été faites, des chercheurs ont mis en place une expérience dans une grotte similaire. Les détails de ces nouveaux travaux sont publiés dans la revue PLOS One. Une personne était chargée de recréer les mêmes marques à l’aide de ses doigts, d’os, de bois, de silex et de pointes métalliques contre la paroi rocheuse. Grâce à des méthodes de photogrammétrie (une technique qui utilise des centaines de photos pour créer des modèles 3D virtuels), les chercheurs ont ensuite pu comparer ces marques expérimentales avec des œuvres préhistoriques. Il est ressorti de ces analyses que ces gravures avaient été faites avec les doigts.

Pour déterminer si ces traces étaient l’œuvre d’humains modernes ou de Neandertal, les chercheurs ont ensuite utilisé une technique appelée luminescence stimulée optiquement des sédiments pour déterminer quand ces derniers avaient été exposés pour la dernière fois à la lumière du jour. L’analyse a révélé que la grotte avait été scellée il y a au moins 57 000 ans et peut-être aussi longtemps qu’il y a 75 000 ans.

Or, les preuves actuelles suggèrent que nos ancêtres n’étaient pas présents en France avant il y a au moins 54 000 ans. En revanche, nous savons que nos cousins néandertaliens étaient bien présents dans la région depuis au moins 300 000 ans. Pour les chercheurs, il est donc hautement improbable que des humains anatomiquement modernes aient eu accès à l’intérieur de la grotte. De ce fait, ils ne sont vraisemblablement pas les auteurs de ces gravures.

Cette étude est importante, car elle prolonge l’ancienneté des tracés de doigts et les associe pour la première fois à une espèce d’hominidé autre qu’Homo sapiens. Elle confirme également que la culture de nos cousins néandertaliens était plus complexe et diversifiée qu’on ne le pensait auparavant.

En conclusion, les découvertes de la grotte de La Roche-Cotard bouleversent nos perceptions sur les capacités artistiques et culturelles des Néandertaliens. Ces gravures, scellées pendant des dizaines de milliers d’années, révèlent une expression artistique intentionnelle attribuée à une époque bien avant l’arrivée des humains modernes en France. Cette étude met en lumière la complexité et la diversité de la culture néandertalienne, confirmant que nos cousins préhistoriques possédaient des compétences et des comportements symboliques bien plus élaborés que ceux précédemment reconnus. Ces gravures sont non seulement un témoignage poignant de leur existence, mais elles ouvrent également de nouvelles perspectives sur l’évolution de l’art et de la cognition humaine.