L’endroit le plus sec de notre planète a été marqué par de profonds changements au cours de la dernière décennie

désert polaire Mc Murdo
Crédits : Wikimedia Commons.

Même les points les plus reculés de notre planète sont soumis aux effets du réchauffement climatique. En témoignent les mesures de terrain effectuées dans le désert polaire des vallées de McMurdo, en Antarctique. Cette zone est probablement la plus sèche du globe, et est connue pour le caractère intemporel de son paysage. Toutefois, au cours de la dernière décennie, le cycle hydrologique de la zone est devenu beaucoup plus actif avec un important transfert d’eau depuis la cryosphère vers l’hydrosphère – conséquence d’une fonte en cours d’accélération.

Les vallées sèches de McMurdo se situent en Antarctique, dans ce qui serait a priori l’endroit le plus sec de notre planète – une place qualifiée de désert polaire. Nous avions d’ailleurs rédigé un article à ce sujet. Cependant, malgré la localisation très reculée de cet endroit, il n’est pas épargné par les effets du changement climatique. La zone porte en effet les marques des changements profonds qui sont en cours depuis une bonne décennie. Récemment, des chercheurs ont mené une campagne d’observations dans la région. En utilisant un lidar aéroporté, ils ont mesuré l’altitude de la surface des glaciers, des lacs gelés et du sol. En comparant ces mesures avec celles fournies par une mission similaire déployée en 2001 par d’autres chercheurs, ils ont pu caractériser les changements substantiels qui étaient en marche dans les vallées sèches de McMurdo.

« Des millions de mètres cubes de glace enfouie ont fondu durant la dernière décennie », explique Joseph Levy, auteur principal de l’étude parue dans la revue scientifique Geomorphology. La perte de glace dans les profondeurs des sols et l’érosion subséquente ont conduit à un affaissement de la couche superficielle du substrat continental. Par ailleurs, l’altitude des glaciers s’est notablement réduite. C’est via ces phénomènes que les scientifiques ont pu estimer la quantité d’eau sous forme solide perdue depuis 2001, de même que sa répartition spatiale. « C’est un changement sans précédent au cours de la période historique en Antarctique et peut-être même depuis la fin de la dernière période glaciaire. S’il continue, il pourrait éliminer les derniers dépôts de glace de certaines des vallées au cours des prochains 500 ans ». L’eau initialement contenue dans le pergélisol et les glaciers transite ainsi vers les lacs, les étangs et vers l’océan, traduisant une modification profonde du cycle hydrologique.

Les chercheurs pensent que cette accélération de la perte de masse glaciaire sur la dernière décennie est liée à l’humidification de la couche superficielle des sols, associée à la circulation de l’eau de fonte. En devenant plus humide, la partie supérieure du substrat absorbe plus d’énergie et la diffuse mieux vers les profondeurs, entretenant le processus de fusion. Cette boucle de rétroaction positive aurait été mise en route par un épisode de fonte sévère qui s’est produit au cours de l’été austral de 2001-2002.

Depuis, la région est engagée dans une évolution environnementale rapide – ces vallées étant pourtant connues pour leur paysage figés, parfois qualifiés d’intemporels. Une des conséquences de cette évolution est que les archives climatiques qui y ont été enregistrées au fil des siècles – compte tenu des conditions climatiques bien particulières – risquent de disparaître. « L’histoire de l’effondrement des plateformes de glace à la fin des deux dernières périodes glaciaires est inscrite dans le pergélisol qui s’étend depuis les montagnes jusqu’aux vallées de l’Antarctique », précise Joseph Levy. « Lorsque ce sol gelé dégèle et se transforme en boue, c’est comme si vous laissiez tomber votre ordinateur portable dans une flaque. Les enregistrements sont perdus ». Selon l’auteur, cet endroit très inhospitalier serait proche du seuil qui mènerait à une réorganisation environnementale majeure.

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