Quel est l’élixir de jouvence japonais ?

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La longévité japonaise impressionne le monde entier. Tous tentent de mettre la main sur le secret de ce record qui se maintient au fil des années. Se mettent alors en place toutes sortes d’études, expériences et observations afin de dévoiler le subterfuge qui rallongerait nos années. Voici, pour vous, quelques clefs pour comprendre ce phénomène hors du commun.

Le Japon détient le record de la plus longue espérance de vie à la naissance, soit 86,6 ans pour les femmes et 79,6 ans pour les hommes. Ces chiffres magiques détrônent ceux de la France pour qui la longévité est de l’ordre de 82 ans. Quels facteurs interviennent dans l’espérance de vie et doivent donc être optimisés par les autres pays ? Telle est la grande question des scientifiques. Manami Inoue, professeur en épidémiologie du cancer à l’Université de Tokyo et responsable de projet au AXA Department of Health and Human Security, est l’un d’entre eux. Son obsession est de percer le mystère de la corrélation de certains facteurs sélectionnés (notamment ceux que nous pouvons contrôler) avec les différentes pathologies. Elle se préoccupe alors de l’évolution des risques d’apparition de graves maladies dans la population japonaise selon l’âge des individus, leur sexe et leur catégorie socio-professionnelle. Pour cela, elle va suivre un groupe de plus de 100 000 résidents japonais âgés de 40 à 69 ans tout au long de leur vie. « Nous cherchons à savoir si des personnes sont touchées par des maladies durant l’étude, et quand c’est le cas, lesquelles. Nous les soumettons également à un questionnaire, pour leur demander des précisions sur leurs modes de vie. Nous obtenons grâce à ces données un taux de risque en utilisant des outils statistiques, comme le modèle à risque proportionnel de Cox. »

Le mode de vie en cause…

À l’issue de ces travaux, son équipe arrive à la conclusion que les facteurs en cause sont davantage liés au mode de vie qu’à la génétique. « Les facteurs génétiques ne semblent avoir qu’un impact limité sur l’espérance de vie, et les modes de vie apparaissent beaucoup plus importants », développe Inoue.

Tout d’abord, le fait de fumer augmente le taux de risque de mort prématurée de 1,5 fois par rapport à ceux qui ne fument pas. De plus, le taux de risque de cancer colorectal chez les Japonais qui consomment de l’alcool s’avère largement plus élevé que celui de leurs homologues occidentaux. On estime qu’environ 50% de la population japonaise est dépourvue de l’enzyme qui métabolise l’acétaldéhyde, ce qui la rend plus ou moins intolérante à l’alcool. À contrario, la consommation régulière de thé vert et de café avec modération minimise les risques de décéder d’une maladie grave ou d’une pathologie cardiovasculaire. Par ailleurs, la consommation de viande est peut-être le facteur le plus manifeste. Les Japonais ne consomment que 35 kg de viande par an et par personne contre 90 kg pour les Français. Enfin, les travaux d’Inoue ont révélé que l’obésité reste relativement rare au Japon du fait que les Japonais affichent en général un indice de masse corporelle de 22 (normal) alors que celui de la France est en surpoids.

Autre piste, Shinkichi Tawada, professeur en agronomie à l’Université d’Okinawa pense que la longévité des Japonais n’est due qu’à la consommation excessive d’huile essentielle de fleur de getto, un liquide ambré dont se dégagent des parfums tropicaux. Le getto est une plante qui appartient à la famille du gingembre et présente de grandes feuilles vertes, de petites baies rouges et des fleurs blanches. Elle regorge de resvératrol, un antioxydant qu’on retrouve dans le raisin (donc dans le vin) et dont les effets sur la longévité sont bien connus. Mais peu nombreux sont ceux qui s’intéressent aux touffes de getto sauvage qui poussent sur le bord des routes. Shinkichi Tawada et ses collègues ont néanmoins mené des tests sur une variété de vers ne vivant qu’un mois. Après les avoir exposés quotidiennement au getto, les vers ont vécu 22,6% de temps de plus que les autres.

Il est également important de souligner la place des personnes âgées au Japon. Ces dernières sont choyées et très respectées. Elles sont d’ailleurs très souvent hébergées par leurs enfants et tout le système met en place des technologies multiples permettant de faciliter le quotidien de ses octogénaires comme des robots multifonctions. Cette attention particulière influence certainement le moral et en fait un pays où il fait bon vieillir. De plus, toutes les personnes qui vivent longtemps maintiennent une activité intellectuelle ou physique, ce qui leur donne une motivation et une raison de se lever tous les jours. Parmi elles, la méditation largement pratiquée au Japon, diminue le stress et influe ainsi sur l’espérance de vie.

« Pays où l’on vit le plus vieux », plus pour très longtemps ?

Tous les sexagénaires (et plus) d’aujourd’hui, sont nés avant-guerre, époque à laquelle les gens mangeaient plus frugalement. Or passé soixante ans, il est judicieux de surveiller son apport calorique et surtout de réduire l’ingestion de graisses animales qui sont de véritables mines à cholestérol. C’est exactement le régime alimentaire que les personnes âgées japonaises entretiennent en se sustentant de repas légers.

Néanmoins, les dernières générations peinent à suivre l’exemple de leurs ascendants. Habitués aux fast-foods, consommant de l’alcool en quantité, ils choisissent d’adopter une alimentation « occidentale ». En effet, à Naha, la principale ville d’Okinawa, les chaînes de hamburgers, de bagels à emporter et les steakhouses ont remplacé les restaurants traditionnels. La plante miracle du getto se trouverait ainsi petit à petit délaissée au profit de la malbouffe…

S’inspirer

« Les études de ce type sont importantes pour aider les décideurs des politiques de santé à déterminer des recommandations sur les habitudes de vie » ajoute Inoue. Et elle n’a pas tort puisque l’ensemble des pays voisins souhaite prendre exemple sur le pays du Soleil-levant. Leur alimentation, leur façon de vivre, ou encore les bonnes relations sociales et familiales seraient intéressantes à importer. L’exemple japonais, bien que menacé par l’invasion du mode de vie occidental, a encore de beaux jours devant lui ne serait-ce que pour son attitude à adopter face à la vie.

Sources : Pour la Science, Maxiscience, PourquoiDocteur, WebJapan