Imaginez un champignon qui peut tuer des milliers de personnes chaque année… mais qui, en réalité, cache un virus capable de changer la donne. Une récente découverte suggère que ce virus secret pourrait être la clé pour combattre l’un des pathogènes fongiques les plus dangereux au monde.
Aspergillus fumigatus : un champignon mortel mais discret
Aspergillus fumigatus est présent partout dans notre environnement. Ses spores sont inhalées quotidiennement par la plupart des gens sans conséquence. Mais pour les individus immunodéprimés ou atteints de maladies pulmonaires chroniques, ces spores peuvent déclencher des infections graves. L’aspergillose invasive, la forme la plus sévère, est en effet responsable d’un taux de mortalité compris entre 30 et 80 % à l’échelle mondiale, touchant des millions de personnes chaque année. C’est un champignon silencieux mais mortel, classé « critique » par l’Organisation mondiale de la santé.
Le virus caché qui renforce le champignon
Ce qui surprend les scientifiques, c’est que ce champignon abrite lui-même un virus appelé Polymycovirus-1 d’A. fumigatus (AfuPmV-1M). Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce virus ne peut pas infecter les humains. Il est parfaitement adapté au champignon et joue un rôle crucial dans sa survie.
Les chercheurs ont découvert que le virus améliore la capacité d’Aspergillus fumigatus à résister au stress, à produire des protéines et à synthétiser de la mélanine, un pigment qui renforce la virulence du champignon. Les spores infectées par le virus se reproduisent plus rapidement et échappent plus facilement aux défenses immunitaires humaines. En d’autres termes, le virus agit comme une arme secrète qui rend le champignon encore plus dangereux.
L’expérience des « poupées russes » sur les souris
Pour comprendre l’impact de ce virus, l’équipe de recherche a utilisé un modèle de « poupée russe » : des souris ont été infectées par Aspergillus fumigatus porteur du virus AfuPmV-1M. Les résultats ont été frappants. En administrant des médicaments antiviraux ciblant uniquement le virus, les scientifiques ont constaté :
Une réduction significative de la charge fongique dans les poumons des souris.
Une amélioration notable de leur survie.
Une diminution des niveaux viraux sans affecter les tissus des animaux.
Autrement dit, en ciblant seulement le virus, ils ont affaibli le champignon et limité l’infection, ce qui suggère une approche totalement nouvelle pour traiter des infections fongiques potentiellement mortelles.

Pourquoi cette découverte est révolutionnaire
Cette approche contraste avec des études précédentes qui avaient montré l’effet inverse : l’élimination du virus pouvait aggraver l’infection. Les différences sont probablement liées aux méthodes utilisées pour rendre les champignons indemnes de virus.
Selon les experts, cette découverte rapportée dans Nature Microbiology pourrait ouvrir la voie à une nouvelle génération de traitements antifongiques. En affaiblissant le champignon via son virus interne, il devient plus facile pour le système immunitaire ou pour les médicaments existants d’éliminer l’infection.
Un virus inoffensif pour l’homme mais puissant pour le champignon
Il est crucial de comprendre que le virus AfuPmV-1M est spécifique au champignon. Il ne peut infecter ni l’homme ni d’autres mammifères. Cette spécificité rend son ciblage thérapeutique sûr et prometteur : on pourrait affaiblir le champignon sans introduire de danger supplémentaire pour le patient.
De plus, les cellules immunitaires humaines ont plus de difficultés à détruire les souches infectées par le virus, confirmant son rôle dans la protection et la survie du champignon.
Vers des thérapies innovantes et ciblées
Si les antiviraux utilisés sur les souris s’avèrent efficaces chez l’humain, ils pourraient transformer la manière dont sont traitées les infections fongiques graves. Les chercheurs envisagent également que d’autres champignons pathogènes pourraient héberger des virus similaires, qui renforcent leur résilience. Comprendre ces interactions pourrait révolutionner le traitement de nombreuses infections jusqu’ici difficiles à soigner.
