Le sud-ouest de l’Amérique du Nord à l’aube d’une méga-sécheresse historique

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Image d'illustration tirée d'une simulation climatique pour la fin du 21e siècle concernant l'humidité des sols. Crédits : https://earthobservatory.nasa.gov.

Des études de modélisations climatiques l’anticipaient depuis un certain temps. Désormais, cela semble confirmé par l’observation. Le sud-ouest de l’Amérique du Nord entrerait dans une période de méga-sécheresse record. Des résultats mûris par un groupe de chercheurs de l’Earth Institute (New York) et publiés dans la revue Science le 17 avril dernier.

Depuis le début des années 2000, le sud-ouest de l’Amérique du Nord – ouest des États-Unis et nord du Mexique – connaît une période anormalement sèche. Cette dernière se caractérise notamment par la diminution du débit des cours d’eau et du niveau des lacs, l’appauvrissement des réserves hydriques souterraines, le recul du manteau neigeux hivernal, des tensions sur les écosystèmes et les pratiques agricoles ou encore une hausse de l’activité des incendies.

Vers une probable méga-sécheresse historique

Or, selon une nouvelle étude, cette situation ne reflète pas une simple fluctuation pluriannuelle à l’image du Dust Bowl des années 1930, mais serait le signe avant-coureur d’un phénomène plus ample. Concrètement, elle traduirait l’émergence d’une méga-sécheresse. On désigne ainsi une période d’au moins deux décennies marquée par un important déficit hydrique. Si de précédents travaux anticipaient un tel scénario en lien avec le changement climatique, celui-ci trouve déjà un écho fort dans la réalité.

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Reconstruction de l’humidité des sols dans le sud-ouest américain. La courbe en rouge est issue des données des cernes d’arbres. Celle en bleu, de mesures modernes plus directes. Les périodes anormalement sèches et humides sont indiquées par des bandes rosées et vertes, respectivement. Notez le niveau actuel par rapport aux fluctuations du passé. En outre, on remarque la période extrêmement humide qui l’a précédée. Crédits : P. Williams & al., 2020.

Grâce à l’analyse des cernes de milliers d’arbres issues de neuf États du sud-ouest américain, les chercheurs ont pu reconstruire le passé climatique de la région. Et ce sur les 1200 dernières années. Les données témoignent d’une dizaine d’épisodes arides entre l’an 800 et 2000. Parmi eux, quatre sont qualifiés de méga-sécheresses – dites médiévales. Elles concernent la fin du IXe siècle, le milieu du XIIe siècle, le XIIIe siècle et la fin du XVIe siècle.

Lorsque les observations modernes sont mises en perspective, le constat est frappant. En effet, l’intervalle 2000-2018 se place au second rang des épisodes secs les plus intenses. Juste derrière la méga-sécheresse extrême de la fin des années 1500. « (…) nous sommes sur la même trajectoire que les pires sécheresses de l’histoire » avertit A. Park Williams, auteur principal du papier. Autrement dit, un épisode profond émergerait dans le sud-ouest américain. Ce qui aurait bien entendu des conséquences dramatiques.

Un rôle fort du réchauffement climatique

Les scientifiques impliqués dans l’étude sont arrivés à la conclusion qu’environ la moitié de l’assèchement observé est attribuable au réchauffement climatique. Et pour cause, un air plus chaud accentue le flux d’eau du sol vers l’atmosphère – par hausse de l’évapotranspiration. Ce faisant, le dérèglement climatique donne à la période sèche en cours une structure spatiale homogène. Contrairement à celles du passé qui n’étaient pas aussi généralisées et synchrones à tous les États.

Sans le réchauffement global, le début du 21e siècle se placerait seulement au 11e rang du classement évoqué. Ainsi, il accentue fortement l’ampleur d’une fluctuation climatique initialement naturelle. Par ailleurs, notons que des années plus humides peuvent toujours se produire en période de méga-sécheresse. Néanmoins, cela ne saurait rattraper le déficit cumulé et reconstituer les réserves en eau du sol.

Crédits : iStock

« Parce qu’il y a un réchauffement de fond, les dés sont de plus en plus pipés vers des sécheresses plus longues et plus graves » rapporte A. Parks Williams. « Nous pouvons avoir de la chance, et la variabilité naturelle apportera plus de précipitations pendant un certain temps. Mais à l’avenir, nous aurons besoin de plus en plus de chance pour sortir de la sécheresse, et de moins en moins de malchance pour retourner dans la sécheresse ».

Enfin, la reconstruction montre que le 20e siècle se présente à l’opposé comme le plus humide depuis au moins 1200 ans. Or, c’est à ce moment que les populations et l’industrie modernes se sont développées dans la région. « Le 20e siècle nous a donné une vision trop optimiste de la quantité d’eau potentiellement disponible » souligne Benjamin Cook, un des co-auteurs de l’étude. « Cela montre que de telles études ne concernent pas seulement l’histoire ancienne. Elles concernent des problèmes qui sont déjà là ».

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