Le sort de la mission JUICE dépendra du risque de contamination biologique

JUICE Jupiter
Les lunes de Jupiter Io (en bas à gauche) et Europe (en haut à droite) orbitent autour de Jupiter. Crédits : NASA

Le destin de la mission européenne JUICE, qui vise à sonder le système de Jupiter d’ici la fin de la décennie, pourrait radicalement changer si elle réussissait à découvrir que l’océan de la lune Ganymède est à la fois potentiellement habitable et accessible. Explications.

La mission JUICE, de l’Agence spatiale européenne (ESA), a pour objectif d’étudier le système jovien plus en profondeur. La sonde se focalisera sur Jupiter, mais aussi et surtout sur trois de ses lunes : Europe, Ganymède et Callisto. Ces dernières sont en effet susceptibles d’abriter un océan souterrain niché sous leur épaisse couche de glace. La sonde étudiera donc leur habitabilité potentielle pour la vie microbienne.

Ganymède, la plus grande lune du système solaire, sera la cible principale de la mission. Après avoir effectué quelques survols rapprochés d’Europe et de Callisto, la sonde se placera autour de la lune dès 2032 pour effectuer des analyses approfondies. L’ESA prévoit de s’écraser dessus fin 2035 une fois que les réserves de carburant seront épuisées.

Les règles de protection planétaire

Le fait d’avoir choisi Ganymède comme cible pour clôturer cette mission n’est pas un hasard. Dans le cadre d’un tel projet, qui implique l’analyse rapprochée de plusieurs corps susceptibles de soutenir la vie, les chercheurs se doivent de respecter certaines règles de protection planétaire afin de minimiser tout risque de contamination potentielle.

Le Comité international de la recherche spatiale définit cinq catégories de missions planétaires en fonction du degré de protection requis.

– La catégorie I intègre des missions vers des corps sur lesquels la présence de vie telle que nous la connaissons est impossible, comme Mercure.

– Les missions de catégorie II intègre des missions de survol de lunes ou de planètes susceptibles d’abriter la vie, mais où les risques de contamination sont minces.

– La catégorie III implique des risques de contamination jugés plus importants.

– La catégorie IV fait référence aux atterrisseurs se posant sur des corps potentiellement habitables.

– Enfin, la catégorie V implique les mission de retour d’échantillons sur Terre.

JUICE jupiter Europe Ganymède
Vue d’artiste de JUICE arrivant dans le système jovien (distances des corps célestes non à l’échelle). Crédit : NASA

Ganymède en catégorie II

En ce qui concerne la mission JUICE, le seul corps « à éviter à tout prix » est Europe, identifié comme un objet de catégorie III. Parmi tous les objets du système solaire, Europe figure en effet en tête de liste des objets susceptibles d’abriter la vie, avec probablement Encelade et Mars. En cas de crash, il existe donc un risque que la sonde contamine la surface et compromette une éventuelle exploration future.

Ganymède, en revanche, intègre la catégorie II. La raison est que, contrairement à Europe qui propose un océan souterrain enfoui sous une vingtaine de kilomètres de glace, Ganymède protège le sien sous plus de 150 kilomètres de glace. Les processus permettant la connexion entre les matériaux provenant de la surface et la couche océanique sont donc moins évidents. À l’inverse, la détection de panaches d’eau apparents sur Europe suggèrent un vrai lien entre l’océan souterrain et la surface.

D’où la décision de faire s’écraser le vaisseau sur Ganymède.

ganymède Juice mission 2023
Ganymède photographiée par la sonde Juno en 2022. Crédits : NASA

Une mort incertaine

Cependant, ce plan pourrait être possiblement modifié si JUICE, au cours de ses analyses, changeait notre point de vue sur le potentiel de vie supporté par Ganymède. Nos estimations de l’épaisseur de la croûte de Ganymède, par exemple, ne sont basées que sur des modélisations théoriques. Des mesures directes pourraient donc changer la donne.

En cas de découverte majeure suggérant un potentiel de vie plus important que prévu, la mission JUICE ne pourrait donc plus être autorisée à s’écraser sur Ganymède pour mettre fin à sa mission. Si tel était le cas, il faudrait alors trouver une alternative. Ce serait évidemment fantastique d’un point de vue scientifique, mais un vrai casse-tête pour les responsables de mission, qui devront alors composer avec la mécanique céleste du système de Jupiter, qui implique de nombreux corps, et les niveaux de carburant.

Pour l’instant, on en est pas encore là. La sonde est récemment arrivée en Guyane française pour son lancement en avril prochain. Lancée par une fusée Ariane 5, elle arrivera sur place au début des années 2030.