De la nourriture pourrie aux plaies saignantes, notre aversion pourrait tout simplement être un mécanisme de défense pour éviter d’être contaminé par une maladie infectieuse.
L’un des aspects les plus amusants d’être spécialiste du « dégoût » est de proposer à ses « cobayes » des scénarios répulsifs. Dans une étude récente menée par le professeur Val Curtis, directeur du groupe de santé environnementale à la London School of Hygiene and Tropical Medicine, des volontaires ont été invités à évaluer leurs niveaux de dégoût devant plus de 70 scénarios. Ces derniers allaient d’un vieux chat chauve se frottant contre votre jambe au fait de marcher pieds nus sur une limace, en passant par le fait d’observer quelqu’un tenter d’avoir des relations sexuelles avec un fruit, ou encore le fait de regarder du pus sortir d’une belle plaie. Les résultats publiés cette semaine révèlent alors six catégories de dégoût.
Mauvaise hygiène, animaux vecteurs de maladies (tels que les rats ou les cafards), comportements sexuels, apparence atypique, lésions et signes visibles d’infection et enfin aliments présentant des signes de pourriture, voici les six différentes formes de dégoût trouvées pas les chercheurs. Pour ces derniers, ces émotions répulsives se rapportent toutes à divers types de menaces de maladies infectieuses rencontrées chez nos ancêtres. Par exemple, le fait de manger de la nourriture pourrie menait à des maladies comme le choléra. Un contact intime avec des personnes malpropres risquait de transmettre la lèpre, des pratiques sexuelles exposaient un individu à la syphilis et le contact avec des plaies ouvertes pouvait conduire à la peste ou à l’infection de la variole.
L’étude note également que cette sensibilité au dégoût évolue avec l’âge. « Les très jeunes enfants n’ont pas un fort sentiment de dégoût », explique le chercheur. « Ces sentiments n’apparaissent réellement que lorsqu’ils ont environ deux ans, c’est-à-dire quand ils deviennent indépendants de leurs parents ». Ces sentiments évoluent ensuite au fil des ans jusqu’à ce que nous ayons environ 30 ou 40 ans, puis ils commencent à baisser. Les chercheurs ont également constaté que les femmes ont tendance à être plus facilement dégoûtées que les hommes.
« Nous avons tous évolué et nous avons tous acquis des avantages, en termes de reproduction, en évitant les choses qui pourraient nous avoir rendus malades, poursuit le chercheur. Dans notre passé évolutionnaire, les mères s’occupaient généralement des enfants, elles ne devaient donc pas tomber malades elles-mêmes, et faire en sorte que leurs enfants ne tombent pas malades non plus ». Il en est de même pour les comportements sexuels : « les femmes sont particulièrement vulnérables aux infections [sexuellement transmissibles]. Et elles peuvent réduire leur capacité de reproduction, alors que les hommes ont plus de chances de se reproduire que les femmes », note le chercheur.
D’après ces résultats, il semble donc que nous ayons un sens intuitif de ce que nous devons éviter dans notre environnement pour maximiser nos chances de survie, et notre coévolution avec les maladies n’y serait pas étrangère.
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