Quand on évoque les grandes épopées lunaires, on pense immédiatement à Apollo 8, premier vol habité à faire le tour de la Lune en décembre 1968. Pourtant, quelques mois avant cette prouesse humaine, deux héroïnes inattendues ont effectué ce même voyage cosmique.
En septembre 1968, l’Union soviétique, en pleine course à l’espace contre les États-Unis, envoyait une sonde baptisée Zond 5 autour de la Lune. À son bord, pas d’humains, mais un équipage surprenant : deux tortues des steppes, accompagnées de vers, de mouches et de graines. Leur mission : tester les effets du voyage spatial au-delà de l’orbite terrestre sur des êtres vivants.
La lente revanche des tortues
Les deux tortues ont été installées dans la capsule le 2 septembre 1968, douze jours avant le lancement officiel. Les scientifiques soviétiques ont décidé de ne pas les nourrir pendant toute la durée de la mission, de peur que la digestion n’interfère avec les données biologiques récoltées. Une décision qui semble aujourd’hui rude… mais qui n’a pas empêché ces reptiles endurants d’entrer dans l’histoire.
Le 14 septembre, Zond 5 décolle. Quatre jours plus tard, le vaisseau passe à 1 950 km de la surface lunaire, puis amorce son retour vers la Terre. Le 21 septembre, la capsule amerrit dans l’océan Indien. Mission accomplie.
Un exploit discret… mais capital
Techniquement, les deux tortues sont les premiers êtres vivants connus à avoir fait le tour de la Lune et à être revenus sur Terre en vie. C’est une première mondiale, et un jalon crucial dans la compréhension des effets de l’espace profond sur les organismes complexes.
Pourquoi n’en parle-t-on presque jamais ? Tout simplement parce que la mission Zond 5 n’était pas habitée et que l’histoire de la conquête spatiale est, dans l’imaginaire collectif, centrée sur les exploits humains. Mais aussi parce que l’Union soviétique, à cette époque, était très discrète sur ses programmes spatiaux, surtout en cas d’échec partiel ou de risque de mauvaise publicité.

Une stratégie spatiale animalière
L’envoi d’animaux dans l’espace n’était pas nouveau : la chienne Laïka avait ouvert la voie dès 1957 à bord de Spoutnik 2, dans une mission malheureusement sans retour. Les tortues de Zond 5, elles, ont survécu, malgré une perte de poids notable, et ont prouvé qu’un vol autour de la Lune pouvait être toléré par un organisme vivant.
C’était aussi un moyen pour l’Union soviétique de maintenir sa crédibilité dans la course à la Lune, alors que la NASA préparait le décollage d’Apollo 8 et disposait de la puissante fusée Saturn V, capable d’envoyer un équipage humain bien plus loin que les capacités soviétiques de l’époque.
