Le SARS-CoV-2 fabriqué à partir du virus du sida ? La thèse qui fait polémique

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Crédits : fernandozhiminaicela/pixabay

Lauréat du prix Nobel de médecine en 2008, le Professeur Luc Montagnier vient de provoquer un nouveau séisme dans la communauté scientifique, affirmant que le SARS-CoV-2 a été conçu dans un laboratoire de Wuhan, à partir du virus du sida.

Célèbre virologue français, Luc Montagnier (87 ans) est connu pour avoir obtenu l’une des distinctions les plus reconnues dans le monde scientifique. Le 6 octobre 2008, il est en effet co-lauréat avec Françoise Barré-Sinoussi et Harald zur Hausen du Prix Nobel de médecine, tous récompensés pour leurs travaux permettant la découverte du virus du sida dans les années 80. Alors très respecté, et « dans le circuit » depuis plus de 40 ans, le chercheur a néanmoins, dès l’année suivante (2009), commencé à s’attirer les foudres de ses confrères.

En affirmant, tout d’abord, qu’un système immunitaire solide suffit à empêcher un sujet de contracter le sida. Une position qui, à l’époque, avait consterné de nombreux scientifiques. En 2010, toujours à contre-courant, il affirma son soutien à la théorie controversée de la « mémoire de l’eau » défendue par Jacques Benveniste à la fin des années 1980. Il défend également une origine microbienne de l’autisme, et a même proposé en 2002 de guérir la maladie de Parkinson du pape avec du jus de papaye.

Il défraya de nouveau la chronique en novembre 2017, déclarant cette fois être d’accord avec plusieurs arguments des anti-vaccins réfutés par la communauté médicale, accusant ces « remèdes préventifs d’empoisonner petit à petit toute la population qui va nous succéder ». Une centaine d’académiciens des sciences et de médecine co-signèrent alors une tribune, considérant que le chercheur « utilise son prix Nobel pour diffuser, hors du champ de ses compétences, des messages dangereux pour la santé, au mépris de l’éthique qui doit présider à la science et à la médecine ».

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Le Professeur Luc Montagnier. Crédits : Stéphane de Sakutin

Nouvelle polémique

Le 16 avril dernier, dans un entretien au site Pourquoi docteur ?, le Professeur s’est de nouveau illustré, arguant cette fois que le coronavirus SARS-CoV-2 ne trouvait pas son origine dans le marché aux animaux sauvages de Wuhan, mais qu’il a été fabriqué en laboratoire à partir du virus du sida.

Une thèse résumée ainsi le lendemain sur le plateau de Cnews : « Nous en sommes arrivés à la conclusion qu’il y a eu une manipulation sur ce virus. Une partie, je ne dis pas le total. il y a un modèle qui est le virus classique, venant surtout de la chauve-souris, mais auquel on a ajouté par-dessus des séquences du VIH, a t-il expliqué. Ce n’est pas naturel, c’est un travail de professionnel, de biologiste moléculaire, d’horloger des séquences. Dans quel but ? Je ne sais pas (…). Une de mes hypothèses est qu’ils ont voulu faire un vaccin contre le sida« .

Le chercheur, qui évoque un véritable « travail d’apprenti sorcier« , reprend finalement dans les grandes lignes les conclusions d’une étude publiée fin janvier sur un site de prépublications par des chercheurs de l’Indian Institute of Technology de New Delhi. Celle-ci, très contestée, évoquait déjà « une similarité étrange« , qui a « peu de chances d’être fortuite« , dans les séquences d’acides aminés d’une protéine du SARS-CoV-2, virus responsable du Covid-19, et celui du VIH-1, principal responsable du sida.

« Cela ressemble beaucoup trop à quelque chose de naturel pour qu’il y ait un doute que ce soit quelque chose d’artificiel »

Mais cette étude, qui avait été reprise par les sites complotistes, avait ensuite été retirée par ses auteurs. En effet, lesdites séquences d’acides aminés incriminés sont en réalité banales chez de nombreuses souches (une quinzaine, récemment listée par la communauté scientifique Massive Science).

« Il y a trop peu de similarité avec la séquence du virus du VIH pour conclure à un échange significatif du matériel génétique, résume ainsi Gaëtan Burgio, généticien et chef de groupe à l’Australian National University, interrogé par Le Monde. Cette liste est d’autant moins significative que la séquence commune est courte. « S’il y avait de réelles insertions de séquences VIH, les fragments auraient été bien plus grands et plus spécifiques, ajoute le chercheur. C’est plutôt du registre de la coïncidence« .

L’idée que le SARS-CoV-2 puisse également avoir été le produit de manipulations génétiques est également très douteuse. Ces virus existent, mais la « patte humaine », lorsqu’elle est effectivement présente, est normalement très reconnaissable. Or le SARS-CoV-2 n’a pas les caractéristiques d’un virus artificiel. Ainsi rien ne permet aujourd’hui de dire, ni même de supposer, qu’il y aurait eu intervention humaine.

« Cela ressemble beaucoup trop à quelque chose de naturel pour qu’il y ait un doute que ce soit quelque chose d’artificiel, estime en effet Etienne Simon-Loriere, chercheur à l’Institut Pasteur. Pour récréer un virus aussi grand, il faudrait des connaissances techniques que peu de labos dans le monde possèdent – sans doute moins d’une dizaine – et il paraît peu plausible que des scientifiques aient pu créer un virus qui interagisse aussi bien avec le récepteur ACE2 [par lequel il s’installe dans le corps humain], alors que ce mécanisme n’avait jamais été observé avant« .

Pour l’heure, il est donc aujourd’hui toujours admis par les autorités sanitaires que le virus responsable du Covid-19 est bien d’origine animale.

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