Le rôle sous-évalué de l’océan Pacifique dans le réchauffement et la fonte de la banquise au pôle Nord

arctic banquise
Crédits : Nasa

Alors que l’Arctique est la région du globe la plus sensible au réchauffement planétaire, une recherche vient de pointer du doigt le rôle joué par les anomalies de températures océaniques du Pacifique Nord dans cette sensibilité. Un rôle qui aurait été sous-évalué par les recherches publiées jusqu’à présent.

L’Arctique est la région du globe qui subit le réchauffement le plus important. En effet, pour 1 degré de réchauffement global le pôle nord subit une augmentation 2 à 3 fois plus importante. Cette particularité porte le nom d’amplification Arctique et est due à toute une série de rétroactions positives, c’est-à-dire amplificatrices. On peut citer pour exemple la rétroaction de l’albédo qui implique que plus la banquise fond, moins la surface réfléchissante est étendue et plus d’énergie s’accumule dans le système amplifiant encore la fonte. En conséquence, au cours des dernières décennies, la banquise boréale a perdu entre le tiers et les trois quarts de son volume suivant la saison considérée – les plus grosses pertes étant observées en été et en automne. La rapidité de cette diminution a été sous-estimée par les modèles climatiques.

Il reste de ce fait des points d’interrogation au sujet des processus modulant ou participant à cette amplification Arctique. Parmi eux figure la façon dont les anomalies de températures de surface de la mer (acronyme TSM) des différents bassins océaniques affectent les rétroactions polaires. Une nouvelle recherche publiée le 7 août dans Nature Communications suggère que les changements de TSM dans le nord de l’océan Pacifique ont un impact plus important sur l’Arctique que ce qui avait été évalué par les travaux précédents. Pour en arriver à ces conclusions, les chercheurs ont prescrit des anomalies de températures de la mer pour les bassins Pacifique et Atlantique – les deux qui communiquent avec le bassin polaire – et les flux de chaleur associés dans un modèle climatique. En faisant leurs simulations, ils ont constaté que les anomalies chaudes ou froides du Pacifique nord conduisent à des réchauffements ou refroidissements en Arctique plus marqués que lorsque ces mêmes anomalies sont prescrites à l’océan Atlantique nord. Par voie de conséquence, cet effet se fait également ressentir sur les anomalies de températures à l’échelle globale.

L’asymétrie dans la sensibilité de l’Arctique à ces deux bassins océaniques avait été sous-évaluée jusqu’à présent. En explorant les éléments pouvant expliquer ce comportement, les scientifiques ont mis en évidence l’importance du transport de vapeur d’eau depuis les moyennes latitudes vers le pôle nord. Plus le transport d’air doux et humide est important, plus les nuages bas sont susceptibles de se former au pôle agissant alors comme une couverture qui piège la chaleur dans les basses couches. De plus, la vapeur d’eau est un puissant gaz à effet de serre, accentuant de ce fait la hausse des températures. Ainsi, le retrait de la banquise est stimulé* et, au travers de la rétroaction de l’albédo mentionné en début d’article, le réchauffement est encore amplifié. C’est l’inverse lorsque ce transport diminue. Or les variations de ce dernier en réponse aux anomalies de TSM sont plus importantes du côté Pacifique, d’où la sensibilité plus importante à cet océan.

Au cours de la dernière dizaine d’années, le réchauffement de l’Arctique et le recul de la banquise se sont accélérés et s’associent à des anomalies chaudes de surface de la mer dans le Pacifique nord-est. Les chercheurs y voient là une marque de ce lien, témoin d’une connexion bien plus forte que ce qui a généralement été admis. « Bien qu’il s’agisse d’une étude hautement idéalisée, nos résultats suggèrent que les changements dans l’océan Pacifique peuvent avoir une influence plus importante sur le système climatique que ce qui est généralement reconnu », a déclaré Ken Caldeira, co-auteur de l’étude. Ces résultats pourraient avoir des implications conséquentes pour l’évolution climatique – en particulier en Arctique – étant donné que le nord du Pacifique est une zone qui devrait se réchauffer plus rapidement que le reste du bassin ou que l’Atlantique nord dans les décennies à venir…

* Notons une autre rétroaction positive qui apparaît alors : plus la banquise recule, plus la surface océanique en contact avec l’atmosphère s’agrandit. Cela augmente l’évaporation et par conséquent le contenu en vapeur d’eau de l’atmosphère polaire de même que la couverture en nuages bas. Tous deux ayant un effet réchauffant comme décrit dans le paragraphe.

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