Le rôle sous-évalué de la turbulence dans la formation des gouttelettes nuageuses

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Crédits : Michigan Technological University / Will Cantrell.

Des expériences de laboratoire faisant usage d’une chambre à brouillard révèlent à quel point la turbulence de l’air à petite échelle influence le processus de formation des gouttelettes nuageuses. Des résultats récemment publiés dans le Journal of Geophysical Research : Atmospheres.

Les nuages se forment lorsque des volumes d’air subissent un refroidissement suffisamment important pour mener à la condensation de la vapeur d’eau qu’ils contiennent. En effet, comme un air froid peut contenir moins de vapeur d’eau qu’un air chaud, la baisse de température finit par induire une saturation. L’air ne pouvant plus prendre en charge toute la vapeur qu’il portait au départ, la quantité excédentaire se condense en gouttelettes d’eau liquide ou en cristaux de glace. C’est à ce moment que l’eau devient visible et que nos yeux perçoivent des nuages.

L’essentiel de ce refroidissement se produit en lien avec les mouvements ascendants que l’on retrouve au niveau des zones dépressionnaires par exemple. Cette montée étant associée à une baisse de pression, la température diminue en conséquence. Mais les facteurs évoqués jusqu’ici ne sont pas suffisants pour mener à la formation des nuages tels qu’on les connaît. La présence de petites poussières, autour desquelles l’eau va pouvoir condenser, est également nécessaire. D’origines multiples et hétérogènes, elles peuplent l’atmosphère des pôles à l’équateur sur les 20 premiers kilomètres d’altitude. On parle plus communément d’aérosols.

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Gouttelettes produites dans une chambre à brouillard éclairée par un faisceau laser vert (gauche). Remarquez la turbulence dont les effets ont pu être isolés par les chercheurs. Une étude qu’il serait presque impossible à effectuer in situ (droite). Crédits : Abu Sayeed Md Shawon.

L’importance de la turbulence dans le processus de condensation

Généralement, les études théoriques et les expériences en laboratoire ne tenaient pas compte de la turbulence à l’intérieur des volumes d’air impliqués dans la formation de nuages. Aussi, les physiciens faisaient l’hypothèse qu’ils étaient bien décrits par une valeur unique d’humidité et de température. Or, de récentes mesures ont montré que la turbulence produisait une importante hétérogénéité des paramètres à l’intérieur d’un volume donné. De fait, le seuil de saturation peut s’en trouver modifié de 0,3 % voire plus.

Dans ce contexte, des chercheurs de l’Université technologique du Michigan (MTU, États-Unis) ont récemment étudié son influence sur la formation des nuages. Pour ce faire, ils ont utilisé une chambre à brouillard afin de reproduire les processus à une échelle permettant l’étude en laboratoire. En effet, pareille analyse serait presque impossible à réaliser en conditions de terrain (dites in situ).  Initialement humide et dépourvue d’aérosols, la chambre a été soumise à un chauffage différentiel pour produire une turbulence. Enfin, elle a été chargée en particules de chlorure de sodium pour permettre la condensation. Notons que le dispositif du MTU est, avec celui de Leipzig (Allemagne), le seul à permettre ce type d’expérimentation.

En isolant l’effet de la turbulence, les scientifiques ont trouvé qu’elle amenait des fluctuations suffisamment grandes pour déterminer si, localement, l’air franchissait ou non le seuil de saturation. « Ces fluctuations peuvent augmenter la fraction d’aérosols qui devient des gouttelettes de nuage et, en général, imitent l’effet de l’hétérogénéité lié à la taille et  la composition chimique de ces aérosols », indique le papier dans son résumé. Ces résultats ont des implications notables pour les régimes de transition. Par exemple entre la phase nuageuse et non nuageuse ou pour des systèmes passant d’une zone océanique à terrestre.

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