Dans un récent entretien, Richard Horton, rédacteur en chef de la revue The Lancet, revient sur le retrait de l’étude sur l’hydroxychloroquine ayant dernièrement fait grand bruit. L’intéressé analyse les erreurs commises et dresse un bilan peu flatteur de la crise sanitaire du Covid-19, notamment en raison d’une arrogance de l’Occident.
Une étude finalement retirée
Le 22 mai 2020, la revue britannique The Lancet avait publié une étude controversée sur l’hydroxychloroquine. Dirigée par le Pr. Mandeep R Mehra de l’école de médecine d’Harvard (États-Unis), l’étude en question avait été vivement critiquée. En effet, celle-ci estimait que l’hydroxychloroquine n’avait pas fait la preuve de son efficacité sur les malades du Covid-19 hospitalisés et, pire encore, évoquait un risque élevé de mortalité.
Après cette parution, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) avait stoppé les essais cliniques en cours sur l’hydroxychloroquine. Toutefois, une lettre ouverte publiée par des dizaines de chercheurs et une mise au point de The Lancet a poussé l’OMS à ordonner la reprise des essais. Finalement, la revue britannique n’a pas eu d’autre choix que de supprimer complètement l’étude après le retrait de trois de ses auteurs.
Il faut savoir que la qualité et la véracité des données ont été le point central de la contestation de l’étude. Par ailleurs, le quatrième auteur – le Dr. Sapan Desai – n’est autre que le directeur général de Surgisphere, l’obscure société ayant fourni ces mêmes données. Or, ce chirurgien vasculaire est sous le coup de trois procédures en cours pour fautes professionnelles médicales aux États-Unis !
Un échec pour la science
Dans un entretien paru dans Libération le 15 juin 2020, Richard Horton est revenu sur cette affaire. L’intéressé indique que l’évaluation par les pairs est un mauvais détecteur de fraude et ne représente pas un gage de véracité. En réalité, le seul moyen de vérifier une étude est de recommencer toutes les expériences étape par étape. Richard Horton rappelle que l’évaluation par les pairs a pour but d’évaluer l’acceptabilité d’une publication. Or, la publication du 22 mai apparaissait plausible.
Par ailleurs, les trois auteurs qui se sont retirés n’avaient pas vérifié les données mises à leur disposition. Si ce dernier point est à peine croyable, Richard Horton estime qu’il ne faut pas s’arrêter là. Ce dernier pense qu’il serait bon de mener l’enquête afin de mieux comprendre les tenants et les aboutissants de l’étude. Selon lui, cette étude représente un échec pour la science et son retrait est une bonne chose.
Une « arrogance de l’Occident » envers la Chine
En ce mois de juin 2020, Richard Horton publie un ouvrage baptisé The Covid-19 Catastrophe. Si l’intéressé n’évoque pas les tentatives de dissimulation de la Chine au tout début de l’épidémie, ce dernier salue la rapide mobilisation des scientifiques locaux. Après l’alerte lancée auprès de l’OMS, le monde a en effet assez vite eu connaissance de la description de la maladie, du séquençage génétique du coronavirus et de la façon dont celui-ci se transmettait.
Toutefois, Richard Horton pointe le dénigrement de la Chine par Donald Trump mais aussi d’autres dirigeants. Ceci avait pour but de détourner l’attention de leur propres erreurs, notamment en matière de réponse de santé publique. Rappelons tout de même que le bilan Covid-19 des États-Unis est le plus catastrophique : plus de 2,1 millions de cas pour presque 120 000 décès.
Le rédacteur en chef de The Lancet rappelle que cette crise est la source d’un élan d’animosité envers la Chine et de racisme envers les asiatiques en général. Outre l’ignorance de certains, il s’agirait en partie d’une « arrogance de l’Occident » plaçant la science et la médecine chinoises à un niveau inférieur. Selon Richard Horton, cette arrogance aurait coûté des dizaines de milliers de vies.