Le protoxyde d’azote (N2O) s’accumule dans l’atmosphère à un rythme inquiétant

terre atmosphère
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De récentes mesures montrent que la concentration atmosphérique en protoxyde d’azote, un gaz à effet de serre notable, augmente bien plus rapidement qu’attendu. En cause, l’utilisation grandissante d’engrais et de fertilisants synthétiques à l’échelle globale. Des résultats rendus publics le 18 novembre dernier.

Les principaux gaz à effet de serre responsables du réchauffement climatique en cours sont le dioxyde de carbone (CO2), le méthane (CH4) et le protoxyde d’azote (N2O, aussi appelé oxyde nitreux). Si l’on parle très souvent des deux premiers, le troisième n’est pourtant pas à négliger. En effet, il possède un pouvoir réchauffant 200 à 300 fois supérieur au CO2 et participe à la destruction de la couche d’ozone. L’augmentation de sa concentration contemporaine est principalement liée aux pratiques agricoles et leurs effets sur le cycle de l’azote.

Une élévation 2 fois plus rapide que prévue

De nouveaux résultats publiés dans la revue Nature climate change indiquent que ce gaz se stocke dans l’atmosphère à un rythme bien plus élevé qu’anticipé jusqu’alors. La période couverte par l’analyse s’étend de 1998 à 2016.

« Nous constatons que les émissions de N2O ont considérablement augmenté au cours des deux dernières décennies (>10%), et tout particulièrement à partir de 2009 » relate Rona Thompson, climatologue et auteure principale de l’étude. La hausse observée atteignant le double de celle attendue dans les scénarios standards du GIEC.

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Évolution des émissions d’oxyde nitreux sur différents secteurs géographiques. Crédits : Thompson et al., 2019.

Comme le montre le graphique ci-dessus, ce sont surtout les pays d’Asie de l’Est et d’Amérique du Sud qui ont vu leurs émissions grimper en flèche. Ces dernières expliquent environ 50% de l’accélération constatée. Notons que l’évolution des pratiques agricoles en Afrique participe aussi à cette tendance (à hauteur de 20 % environ). A contrario, l’Europe et l’Amérique du Nord présentent une certaine stabilité.

Ces données ont été obtenues grâce à des méthodes utilisant des mesures de concentration atmosphérique en N2O en différents points du globe. Partant de ces relevés, il est possible d’inférer les émissions naturelles et anthropiques correspondantes. On parle de techniques d’inversion. En effet, au lieu de partir des inventaires d’émissions (très incertains) des différents pays et estimer les contributions de chacun aux évolutions observées, il s’agit grosso modo de faire l’inverse. Cette approche a l’avantage de réduire les marges d’erreur.

Une relation exponentielle mal appréhendée 

Selon les chercheurs, cet emballement découle d’une plus grande dépendance des pays en développement aux engrais et fertilisants. Ceci afin de pratiquer de manière toujours plus efficace leur agriculture. Or, la fraction d’azote captée par les végétaux tend à diminuer à mesure que la dose de fertilisants ou d’engrais augmente.

« Cela se produit dans certaines productions où la quantité recommandée d’engrais est dépassée et où la perte d’azote est exponentielle » rapporte Richard Eckard, chercheur en agronomie qui n’a pas participé à l’étude. Dit autrement, c’est une fraction grandissante d’azote oxydé (N2O) qui s’échappe librement dans l’air.

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Relation entre la quantité de N2O émise (ordonnées) et le taux de fertilisants appliqué (abscisses). La relation non-linéaire proche de la réalité en bleu et celle linéaire utilisée par le GIEC. Notez le désaccord sensible aux hautes doses de fertilisants. Crédits : David Makowski, 2019.

Aussi, la relation entre la quantité d’éléments azotés utilisée et les émissions de N2O résultantes n’est pas linéaire. Et ce, contrairement à ce qu’avait pu établir le GIEC dans ses scénarios. La dynamique des végétaux induit un facteur de non-linéarité non pris en compte. Ajoutons que même si des expériences de terrain ont pu montrer cette complexité au niveau local, c’est la première fois qu’elle est diagnostiquée à un niveau global. Ainsi, la situation semble s’aggraver plus vite que prévue.

De fait, des mesures plus strictes devront être prises si l’on tient à limiter du mieux possible l’ampleur du changement climatique. « Ce n’est pas qu’ils ne devraient plus utiliser d’engrais azotés. Mais si nous utilisions tous la quantité appropriée, nous aurions beaucoup moins de protoxyde d’azote dans l’atmosphère » précise Richard Eckard. Comme souvent, tout est une affaire de dosage.

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