Alors que la résistance aux antibiotiques est en train de devenir un problème de santé publique majeur, la découverte de la teixobactine relance la course contre les bactéries. La nouvelle molécule est efficace dans le traitement de la tuberculose et de la septicémie, mais c’est la façon dont il a été découvert qui est véritablement révolutionnaire.
Les antibiotiques ne sont pas inventés, ils sont découverts. Ce sont en fait des armes chimiques, développées par des microorganismes pour faire le ménage autour d’eux en tuant les autres bactéries. Comme ces agents sont très toxiques pour les bactéries — mais peu pour nous —, ils sont un moyen extrêmement efficace de lutter contre les infections. Les découvrir est par contre un défi, et la recherche dans le domaine était au point mort depuis 30 ans.
Les microbiologistes se heurtaient en effet à un problème : la plupart des bactéries ne se reproduisent pas en laboratoire. Typiquement, les cultures de bactéries sont faites sur les surfaces de disques en verre, au-dessus d’un gel qui contient tous les nutriments nécessaires à leur développement. Naïvement, on peut croire que n’importe quelle bactérie se mettra à se diviser dans ces conditions, ayant tout ce dont elle a besoin. Mais la réalité est bien plus complexe et les bactéries sauvages se fient à de nombreux signaux moléculaires pour savoir quand commencer leur division.
Pour résoudre ce problème, Slava Epstein et ces collègues ont mis au point une ingénieuse technique de domestication. Ils ont utilisé un milieu de culture perméable aux molécules et aux sels minéraux. Il est par contre imperméable aux autres bactéries, ce qui lui permet d’être mis directement dans la terre, qui est un écosystème très riche en microorganismes divers sans pour autant se retrouver contaminé par les autres microbes qui y vivent.
Dans ce milieu est placée une des bactéries à domestiquer. Le milieu est ensuite mis dans la terre ou la bactérie a été prélevée. Elle est alors capable de se diviser et de former une colonie, ayant accès aux signaux nécessaires à son bien-être. Les microbiologistes séparent alors la colonie en deux groupes : l’un d’entre eux est à nouveau placé dans le milieu de culture perméable, tandis que l’autre est laissé dans un incubateur sur un milieu de culture classique. Le processus est ensuite répété jusqu’à obtention d’une colonie de bactéries dans le milieu de culture classique.
L’idée est que parmi la population de bactéries présentes dans la colonie, certaines sont des mutantes qui n’ont besoin d’aucun signal pour commencer à se diviser. Si une seule de ces bactéries est présente dans la colonie, il suffit de placer cette dernière dans un milieu de culture classique pour se retrouver avec une souche domestiquée, cultivable facilement en laboratoire.
Les répercutions de cette nouvelle méthode sont potentiellement énormes. Pour l’instant, elle a juste permis d’isoler un antibiotique capable de soigner des souris. Mais en ouvrant l’accès à l’immense répertoire des molécules produites par les 99 % des espèces de bactéries qui étaient jusque-là impossibles à cultiver en laboratoire, c’est un nombre incalculable de de nouveaux composés chimiques potentiellement utiles qu’il va être possible de découvrir.
Source : Nature