Le perfectionnisme est en train de nous tuer

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Le perfectionnisme ne correspond pas à la recherche de l’excellence, il s’attaque à la recherche de l’inaccessible. Et forcément, ce n’est pas sans conséquence.

Paul Hewitt, psychologue clinicien à l’Université de la Colombie-Britannique, étudie les comportements perfectionnistes depuis une vingtaine d’années. Il est notamment l’auteur d’un ouvrage détaillant comment les tendances perfectionnistes rendent les personnes vulnérables à un large éventail de problèmes cliniques.

Il se souvient notamment d’un jeune étudiant brillant qui était venu le voir après avoir été gratifié d’un A+ lors d’un examen d’entrée en faculté. Ce devoir avait été volontairement très compliqué de manière à écarter tous les étudiants qui ne prenaient pas le sujet assez au sérieux.

Ce devoir, il l’avait passé avec brio. Pourtant, il avait confié à Hewitt avoir eu des pensées suicidaires. « J’ai eu un A +, mais tout ce que cela a fait est de me démontrer que si j’étais vraiment intelligent, je n’aurais pas dû travailler si dur pour l’obtenir« , lui avait-il dit. C’est un parfait exemple de comportement perfectionniste.

Une relation hypercritique avec soi-même

On dénombre aujourd’hui trois types de perfectionnistes : les « orientés vers soi » regroupant les personnes qui exigent beaucoup d’elles-mêmes, les « orientés vers les autres » qui exigent la perfection de leur entourage et enfin les « socialement prescrits » qui ressentent une immense pression de la part de la société en général.

Il ne s’agit pas d’être compétitif ou de viser simplement l’excellence, comportements qui peuvent être parfaitement sains. Le perfectionnisme est un style de personnalité large qui se caractérise par une relation hypercritique avec soi-même. Et ce qui le rend toxique, c’est que les personnes concernées placent des barres qui ne pourront jamais être atteintes. Autrement dit, elles s’exposent à des échecs permanents.

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Une compétition constante

Les principaux experts s’accordent aujourd’hui à penser que le perfectionnisme est un problème culturel en plein essor alimenté par trois facteurs : la parentalité moderne, une économie de plus en plus compétitive et les médias sociaux.

Ces derniers sont sans doute les plus dangereux. « Regardez autour de vous ces jours-ci et vous verrez du perfectionnisme partout« , explique Thomas Curran, psychologue à l’Université de Bath. « Je le vois chez mes amis et collègues et chez les étudiants que j’enseigne. À une époque où les médias sociaux permettent de comparer constamment votre vie à celle des autres, le perfectionnisme n’a fait que s’amplifier« .

Thomas Curran et son équipe ont d’ailleurs mené une étude sur le sujet. Ils ont recueilli des données auprès de plus de 40 000 étudiants entre 1989 et 2016. Au début de l’étude, environ 9% des personnes interrogées affichaient des scores élevés en matière de perfectionnisme socialement prescrit. À la fin de l’étude, ce score avait doublé. « En moyenne, les jeunes sont plus perfectionnistes qu’ils ne l’étaient auparavant« , avait alors conclu Andrew Hill, coauteur de l’étude.

Le problème des perfectionnistes, c’est qu’ils essaient toujours de suivre le rythme. Or, il est aujourd’hui de plus en plus difficile de le faire dans la mesure où nous sommes constamment bombardés d’images « parfaites » de la vie des autres.

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Un poison pour le corps et l’esprit

Malheureusement, cette « quête » de la perfection inaccessible entraîne des conséquences sur la santé des concernés. Une méta-analyse de 284 études a en effet montré que des niveaux élevés de perfectionnisme étaient corrélés à ces problèmes d’anxiété, de dépression, d’insomnie ou à des troubles de l’alimentation. Certaines personnes ont également des pensées suicidaires quand d’autres s’automutilent.

Ces problèmes de santé ne concernent pas que les jeunes, car ce n’est pas quelque chose qui se « guérit » avec l’âge. Une étude publiée par Martin Smith, de l’Université York St John au Royaume-Uni, a en effet suggéré que les personnes ayant été perfectionnistes au cours de leur vie semblaient devenir de plus plus enclines à éprouver des émotions négatives telles que la colère, l’anxiété et l’irritabilité à mesure qu’elles vieillissaient. Il s’agit du résultat de plusieurs années d’échecs.

Comment s’en sortir ?

Pour se sortir du « perfectionnisme », les professionnels proposent plusieurs solutions comme le fait de se donner la permission de se tromper.

« Les perfectionnistes ont un mode de pensée binaire selon lequel soit ils font bien, soit ils sont nuls « , explique à L’Express Magali Combal, animatrice du stage « Prendre du recul, sortir des pièges du perfectionnisme » de l’organisme de formation Comundi. « Pourtant, il existe une infinité de nuances entre le blanc et le noir dans le jugement que l’on peut porter sur un travail« .

Elle conseille également de prêter attention aux signaux qui caractérisent l’excès comme les sentiments de fatigue, de tension, de frustration, d’isolement ou de procrastination. Ses derniers conseils sont de « se décentrer », c’est-à-dire se resituer dans le collectif au lieu de s’isoler.

Et enfin, elle conseille de travailler sur du concret. « Découpez les étapes d’un projet de manière réaliste, prévoyez la durée de chaque tâche en vous donnant une marge raisonnable« . La réalité, dit-elle, est toujours moins prévisible que ne l’anticipent les perfectionnistes dans leur monde idéal.

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